Le Naufrage, par Nina Rendulic

Hier, à 16h41, sous le Pont Royal coule la Loire à +71 centimètres. Deux heures plus tard, les torrents de boue montaient jusqu'à +85, en attendant une crue "millésimée" de deux mètres dans la journée de mercredi. Dans des communes avoisinant Orléans l'eau submerge les routes et traverse les murs des habitations. Les moins chanceux dormiront dans le Palais des sports et mangeront des sushis offerts par un nouveau restaurant japonais. Bientôt, ils retrouveront ce qu’il reste de leurs maisons. Le pire, ce sont des souvenirs : les photos de famille et les rangées de bouteilles dont l’eau effacera les étiquettes. Aujourd’hui, encore une journée rouge. Les routes sont coupées et les cheminots en grève. Les rues sont sales, les sourires sont arrachés, les récoltes détruites, les têtes basses, le peuple démoralisé. La dirigeance a l’esprit d’escalier. La dirigeance a l’esprit tordu.

Aujourd’hui, à 1400 kilomètres, une goutte d’eau fera déborder le vase en Croatie. Le peuple mou se remue et sortira dans les rues pour dire non. Non au gouvernement cléricalisé, radical et inopérant. Non aux mauvais choix. Non à la loi qui interdirait l’avortement (« pour la vie », yes, c’est cela). Non aux criminels de guerre qui siègent dans ce même gouvernement. Non à la corruption, à la diabolisation du féminisme, au ministre de culture qui relativise l’antifascisme. Non à ceux qui veulent décider de ce que l’on fera de nos corps et de nos têtes. Nous sommes libres. Nous le resterons.

Quarante-huit ans après Mai 68. La belle époque...

Nina Rendulic


Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis