Le chant du bout de l’Europe, par Sébastien Ménard

Photo AnCé t.

Photo AnCé t.

C’est le chant du bout de l’Europe

un cavalier passe étendard

levé

« encore des drapeaux » disent d’autres « baissez les drapeaux »

des puces qui sautent

dans la poussière et le sable sommes-nous

cette génération poussière

et debout vers la fin des continents des États

on se lèverait enfin

des superhéros modernes nos récits

ils n’en peuvent plus ni point lalaline

je te dis des mots d’amour on se dit tous

des mots des mots des mots

ramasse encore les plastiques

des bouteilles abandonnées

nul message nul s.o.s. à travers

les embarcations les canots

certains disent qu’ils pleurent et

ramassent des gilets de sauvetage

des corps morts sur les plages

c’est dans les journaux — c’est dans la vraie vie

et ils font quoi les superhéros

modernes bizarre bizarre bizarre

« que personne ne bouge » je dis

aux pneus aux tessons aux sacs plastiques

des plages du bout de l’Europe et la bière coule

et le gasoil coule et le gaz file et je cherche tu cherches

nous cherchons le nom de qui

des zéros des zéros des zéros c’est

rien d’autres alors alors

des ferrailles rouillent des cargos passent

un avion file

un chien aboie

la grande quête des voix oui voilà

des nœuds de marin entre les vagues des

ficelles des bidons des bidons c’est bidon

dans la main on prend une réserve

de galets on fait des ricochets

on compte les rebonds au delà de huit c’est déjà beaucoup

trois boîtes de conserve

un ballon crevé

deux bouées usées

six gobelets de café

du bois flotté des histoires

et des blues si seulement

tu savais ouh les milliers

de tonnes dans les eaux si

tu savais ouh les milliers

de composés chimiques dans les

eaux si seulement

ils n’auraient plus

qu’à bien se tenir les héros

« ça va finir par

commencer à la fin cette

histoire » dit une voix ouf

même pas le temps d’ajouter « …des cerises »

que déjà chut

ressac

quelques feuilles sèches

soufflées par le vent

une paille à sniffer des rêves

des morceaux de plastique

des meubles en pièces

des plumes sans indien

des flacons de gnôle

des tapis en miettes

un pot de yaourt une

souche en feu des polystyrènes

une éponge bleue de l’huile de

vidange une tong seule un

jerricane des paquets de

tabac de la mousse polyuréthane

une fiole en verre du

grillage pour sarcler quoi que qui donc

pour construire encore

des murs des barrières des frontières

nul zhéros ordinaires ni super

pour enfiler un collant une cape un masque

leur costume de marionnette

à faire tourner les têtes une savate

pointure 46

un couvercle en plastique

un bouchon de stylo

des briquets du parfum des

filtres à air

un balais

et quelques cartouches vides.


Sébastien Ménard écrit en continu sur le site diafragm.net. Vous pouvez également le retrouver sur Twitter @SebMenard. Et découvrir le livre Soleil gasoil aux éditions publie.net