Short-cuts (10), par Nina Rendulic
au bout de chaque semaine, ce(ux) que je retiens dans la réalité subjective du monde qui nous entoure
krajem svakog tjedna, ko/čega se sjećam u subjektivnoj stvarnosti svijeta oko nas
semaine du 21 / 3 / 16
Et nous, les petits, les anonymes, les milliers d’individus, dans la peur, ou l’attente, ou l’incrédulité, dans l’espoir, ou sans elle, que peut-on faire? Que peut-on faire?
I couldn’t again just be a witness: that is, meet and visit, tremble with fear, feel brave, feel depressed, have heartbreaking conversations, grow ever more indignant, lose weight. If I went back, it would be to pitch in and do something…I was not under the illusion that going to Sarajevo to direct a play would make me useful in the way I could be if I were a doctor or a water systems engineer. It would be a small contribution. But it was the only one of the three thins I do – write, make films, and direct in the theatre – which yields something that would exist only in Sarajevo, that would be made and consumed there. (S.S.)
Sarajevo
En avril 1992 a commencé le siège de Sarajevo. Il aura duré quarante-quatre mois. Presque quatre ans d’une vie où les lendemains étaient plus qu’incertains, où sortir dans la rue, aller au travail, à l’université, faire ses maigres courses, équivalait un acte de courage, ou de folie. Une danse pour la vie entre les grenades, les projectiles et les coups de fusil lancés par des paramilitaires Serbes intégristes. En 1993 (j’aime imaginer que c’était en avril) Susan Sontag s’installe à Sarajevo. Elle y mettra en scène "En attendant Godot". En mai 2008 je suis à Sarajevo. Nous y jouerons "Le roi Gordogane". Sarajevo est une magnifique ville patchwork, une ville qui rit à travers le souvenir de ses larmes. En avril 2012 dans le centre de Sarajevo ont été placées 11 541 chaises rouges, symbolisant autant de victimes du siège. Un concert de musique classique a été joué devant ces chaises vides. Le 24 mars 2016 l’ancien chef politique des Serbes en Bosnie, Radovan Karadzic, 71 ans, a été reconnu coupable du génocide à Srebrenica et condamné à 40 ans de prison.
Lorca
Si je dis Lorca est mort jeune, ça sonne presque romantique. On pensera à la tuberculose, la maladie du siècle pour ces jeunes prodiges, qui leur fera faire tant de beaux tableaux, tant de beaux textes, conscients que le temps leur est compté, épuisant chaque instant, à merveille, jusqu’au dernier souffle. Si je dis Lorca est tué jeune, on ne pensera plus à son esprit, à ses mots, à ses amours. On l’élèvera en martyr (et on aura raison), lui, la personne.
Je ne parlerai pas de Lorca, ni personne ni poète. Ses mots parleront de lui. Ses mondes parleront pour lui.
Pavane pour une infante défunte
Allitération, seule raison pour un titre aussi sombre, dixit Ravel. Allitération mais aussi… Une curieuse sensation de l’inachèvement. Dans l’harmonie de ses variations impressionnistes Ravel nous mène vers une finale qui n’arrivera jamais. Où nous mènes-tu, Ravel, que veux-tu nous montrer par cette musique, plate, si merveilleusement plate, plate, avec, à perte de vue, l’horizon, le large, le bleu et le vert, que nous montres-tu, Ravel ? (L’infante défunte n’est pas forcément une enfant)
Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis