Short-Cuts 40, par Nina Rendulic


semaine du 24 / 10 / 16

"Parce que vous ne savez rien d’elle vous diriez qu’elle ne sait rien de vous. Vous vous en tiendriez là."


Partons.

Un matin de brouillard prenons le premier train pour ailleurs. Les cloches sonneront six heures. Toi tu auras ton grand manteau tu prendras un sac à dos moi j’aurai du thé dans un thermos car tu n’aimes pas le café je sais. On s’installera dans le premier wagon il fera froid et je serai de mauvaise humeur je suis toujours de mauvaise humeur avant l’aube. Tu essaieras de me faire rire et si ce n’est pas drôle je rirai quand même. Je rirai quand même. Les reflets du paysage nocturne fileront devant nos yeux tu voudras parler je voudrai dormir. Encore un peu. Tu ne me laisseras pas dormir tu diras qu’on n’est pas là pour dormir je dirai d’accord pourquoi on est là tu diras pour être heureux. Je jetterai sur toi un regard de tigre je te demanderai qu’est-ce que tu veux tu ne diras rien je te redemanderai tu ne diras rien. Tu me tendras le sachet de fraises Tagada j’aurai quinze ans tu auras quinze ans et ainsi passera le temps avant que le train ne siffle pour entrer dans la gare une toute petite gare au bord de la mer.

Partons

car

ici

il est

difficile

d'être

heureux.

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Nina Rendulic


Nina Rendulic est née à Zagreb en 1985. Aujourd'hui elle habite à 100 km au sud-ouest de Paris. Elle aime les chats et la photographie argentique. Elle vient tout juste de terminer une thèse en linguistique française sur le discours direct et indirect, le monologue intérieur et la "mise en scène de la vie quotidienne" dans les rencontres amicales et les dîners en famille. Vous pouvez la retrouver sur son site : ... & je me dis