La guerre ? nous marchons sur la tête

Je déteste cette manière oratoire de prononcer et répéter le mot "guerre" comme s'il y avait presque jouissance à le dire. Je déteste cette façon d'aller lâcher 20 bombes en Syrie au lendemain des attentats comme si la vengeance était le début d'une politique. Je déteste cette manière de prolonger l'état d'urgence, histoire de rassurer les délégations internationales qui menacent de ne pas venir à la Cop 21. Et j'imagine qu'on y aura aussi droit, à l'état d'urgence, en juin prochain pour l'Euro 2016. Je déteste cette manière de prétendre que la France a l'autonomie de sa politique étrangère, alors qu'elle n'est plus qu'un enfant de troupe de l'Otan. Je déteste cette manière de sourire à Poutine alors qu'on l'humiliait encore hier. Enfin, je déteste cette manière de profiter de l'émotion et d'exiger des parlementaires qu'ils votent "dans la semaine" une nouvelle loi liberticide, alors qu'un Patriot Act à la française a déjà été voté en juin dernier. Je déteste que le Président martial réunisse les parlementaires pour leur dire, en substance : "Ecoutez, les gros lourds, il faut réviser la Constitution. L'article 16 qui m'accorde les pleins pouvoirs et qui me permet de vous piétiner allégrement, n'est plus adapté à la situation, il convient d'en élargir les modalités d'application. Il faut que ce pays, au besoin, devienne plus facilement une dictature ponctuelle de 30 ou 60 jours". Et les autres gros lourds tout jouasses, pour certains en train de faire des selfies à Versailles, de se lever et de chanter tous, très émus, La Marseillaise. Hier c'était terrible : nous marchions dans le sang de nos enfants. Mais aujourd'hui, je me demande si ce n'est pas pire. Nous marchons sur leurs têtes, nous marchons sur la tête.

Arnaud Viviant, le 17 novembre 2015