Philippe Cognée, nouveau professeur en tournesol…
Qu’est-ce qui diffère au niveau de la représentation entre une machine à laver et un tournesol ? Philippe Cognée répond en étant passé des manifestations du quotidien le plus trivial à l’actuelle exposition de fleurs qui y acquièrent un statut de vanité inusité. Chez Templon, l’œil en ressort comme ciré …
Né en 1957, Philippe Cognée travaille entre Nantes et Paris. Lauréat de la Villa Médicis en 1990, nommé pour le Prix Marcel Duchamp en 2004, il a longtemps enseigné à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Son travail a donné lieu à de nombreuses expositions personnelles : au MAMCO de Genève (2006), au FRAC Haute-Normandie (2007), au musée de Grenoble (2013), au Château de Chambord (2014), et à la Fondation Fernet-Branca de Saint Louis (2016). Son œuvre est présente dans de nombreuses collections publiques dont le Musée national d’art moderne — Centre Pompidou, la Fondation Cartier, la Collection Louis Vuitton, le Museum Ludwig à Cologne ou le Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. On le retrouvera cette année au Domaine de Chaumont sur Loire en 2020 et l’an prochain au musée Bourdelle à Paris.
Pendant longtemps, Philippe Cognée aété obsédé par le quotidien. Il s’est fait connaître par ses toiles de réfrigérateurs ou de lave-vaisselles, cadrés à ras, à la manière de monochrome. Par la suite, son observation du monde à travers le prisme de la photographie, de la vidéo ou de Google, s’est déployée dans de larges compositions de tours, bâtiments, supermarchés, routes, banlieues désertiques ou foules anonymes, à la limite de l’abstraction. Son langage de cire fondue, appliquée à chaud, écrasée au fer à repasser puis arrachée par le film plastique, riche de texture et de sensualité, offrait un contraste frappant avec une réalité a priori uniforme et morne. Le défi était de taille : démontrer comment le peintre pouvait encore proposer une interprétation originale de notre environnement, et sublimer une réalité moderne, uniforme et désincarnée. En embrassant le thème de la fleur, Philippe Cognée choisit — en apparence — une autre banalité. Pourtant, ses cœurs de tournesols, pivoines ou amaryllis, séchés ou fanés, sont agrandis à l’extrême et si déformés par la cire, qu’elles en sont à peine reconnaissables. La technique d’encaustique se complexifie. Posée au pinceau ou jetée en dripping, lissée au fer ou artificiellement ondulée, la cire propose un entre-deux de matière qui fait écho à l’entre deux de ces fleurs, entre vie et trépas.
Actuellement, ses toiles renouent avec les fondamentaux de la peinture — des bouquets des natures mortes de la tradition flamande, à Vincent Van Gogh ou Georgia O’Keeffe. Mais, c’est avec ses propres fondamentaux que Cognée se confronte. Ses fleurs démultipliées, conjuguées à de nouveaux paysages champêtres, renvoient à une nature magique, mystérieuse, aussi fragile qu’indomptable, peut-être héritée de son enfance passée au Bénin. On y retrouve le memento mori qui hante nombre de ses séries, dont celles sur les usines de recyclage (2005), les vanités (2006) ou les abattoirs (2008). A l’heure du déclin civilisationnel et environnemental, Philippe Cognée répond par jubilatoire et subtile poétique de la décadence. Toujours plus à l’Ouest …
Jean-Pierre Simard le 12/01/20200
Philippe Cognée → 7/03/2020
Galerie Templon Marais 30, rue Beaubourg 75003 Paris