Héros et Léandre : le mythe qui explique la jeunesse d'Istanbul aujourd'hui, par Kathrin Tschirner
On avait déjà pu admirer le travail de Kathrin Tschirner qui s'attaquait au concept de portrait avec Real Indications, à l'image de la beauté telle que perçue par la mode, renversée en une approche aussi surréaliste que lascive sur Sois Belle, ainsi qu'avec Villa Argentina, une série réalisée avec sa propre mère, à propos des représentations de la femme dans l'espace domestique. Ses singulières images de de la jeunesse d’Istanbul dévoile aussi pleine d'idées et d'envies qu'elle se retrouve piégée au sein d'une ville qui verrouille de plus en plus ses activités et sa liberté.
Le titre fait référence au mythe de Héros et Léandre, couple de la Grèce ancienne où une jeune fille était cloîtrée dans une tour et, dont l'amoureux devait traverser le détroit du Bosphore pour la rejoindre à la nage. Pour qu'il en fut ainsi, Héros allumait chaque soir un fanal dans la tour afin que Léandre soit guidé dans sa traversée du Bosphore. Leur passion dura tout l'été jusqu'à ce qu'une nuit d'hiver et de tempête, une bourrasque éteignit la chandelle, perdant Léandre sur les flots. Celui-ci se noya et son corps vint échouer sur le rivage au pied de la tour. Le découvrant ainsi, Héros se suicida en se jetant du sommet de la tour.
En 2009, j'ai brièvement travaillé et étudié à Istanboul, une ville turque aussi vibrante de vie que sans cesse en mouvement. Un endroit, aussi, dont les développements sociaux et politiques sont comme des spectres qui hantent la ville. Cette juxtaposition symbolisée par le mythe d'Héros et Léandre n'a cessé de me frapper durant mon séjour.
Cette série est constituée d'une part de mes impressions et expériences sur place ; et, de l'autre de l'appréciation par mes amis turcs de la situation d'enfermement concerté qui les concernait de plus en plus. Ainsi, la série est constituée de fragments impossible à rassembler dans un discours cohérent; un work in progress marquant l'évolution de la situation sur place et de ses habitants au filtre de mes sensations.
Kathrin Tschirner (texte et photos)