Ducktoon ? Interview du rédacteur en chef de Picsou magazine pour parler de ces canards qui s’invitent sur vos téléphones
Jean-Baptiste Roux a répondu à nos questions autour de Ducktoon, cette application webtoon qui propose de découvrir les BD Disney sur écran. Une occasion d’en savoir plus avant son lancement officiel le 12 juin prochain.
Ancien éditeur de livres sur la pop culture, Jean-Baptiste Roux est le rédacteur en chef de Picsou magazine depuis 2020, succédant à Pascal Pierrey qui tenait les rênes depuis 1990. Depuis le passage du flambeau, plusieurs évolutions arrivent dans l’univers des canards, dont celle qui nous intrigue le plus aujourd’hui : Ducktoon et sa proposition de mettre les archives de Picsou & Cie à disposition sous forme de webtoons (si vous voulez en savoir plus sur le format, jetez un œil ici).
Et comme on aime l’univers des canards et qu’on est curieux, nous lui avons posé pas mal de questions pour comprendre les coulisses de ce projet.
Est-ce que vous pouvez nous présenter Ducktoon ?
Jean-Baptiste Roux: Le projet Ducktoon est parti d’un constat : la lecture ne se fait plus seulement sur papier. Elle se fait sur plein d’autres formats et la lecture sur écran s’est popularisée, et développée de manière légale et illégale. Et il y a le webtoon, ce format assez particulier qui est souvent créé pour la lecture sur écran, qui correspond bien à nos propres formats de magazines ou histoires.
On se dit que c’est un angle de développement intéressant pour que nos lecteurs puissent nous lire n’importe où et n’importe quand. Je regardais récemment ce que l’on a produit depuis les premières bandes dessinées Disney : il y a environ 160 000 histoires qui ont été publiées. C’est un réservoir énorme !
Ducktoon, c’est une initiative française ? Ce sera disponible dans d’autres pays ?
JB.R. : D’après mes recherches, je pense que c’est une première mondiale.
Pour le moment c’est français, il n’y a pas d’autres pays encore qui se sont lancés dessus. En Hollande, ils ont une application, mais qui propose un équivalent de lecture de PDF en ligne. Sinon l’Italie, qui est un pays de lecteurs ne l’a pas ; les USA non plus, c’est bien une première mondiale jusqu’à ce qu’on me prouve le contraire.
Et en fonction du succès, pourquoi pas en effet proposer ce service dans d’autres pays fan de BD Disney. On est ouverts et le champ des possibles est hyper vaste. Et sur écran, il n’y a pas de limitation du nombre de pages d’un livre papier, surtout avec ce qu’on sait en ce moment autour du papier qui coûte de plus en plus cher.
On est en phase de lancement, mais si ça fonctionne il y a plein de choses qui peuvent être faites. Évidemment, aller sur d’autres marchés, mais aussi créer nous-mêmes des webtoons. Passer sur une phase de création, comme ce qui se fait actuellement, d’abord créer sur les applications et puis ensuite, elles trouvent une seconde vie sous format papier. Je pense au succès de Colossale (découvrir ce webtoon ici). Tous les formats finissent par cohabiter, je trouve ça assez cool.
Je vois que dans le communiqué, vous indiquez les 15-30 ans visés ? C’est au-dessus de l’âge des lecteurs du magazine qui est plutôt 7 ou 8 ans jusqu’à 14-15 ans ?
JB.R. : On s’est basé sur l’âge de possession de smartphones. Même si on imagine bien que les parents vont donner leur téléphone à leurs enfants dans la voiture pour lire quelques pages. C’est pour cela qu’on a indiqué ce public là, mais notre cœur de cible — Picsou Magazine — c’est les 7-14 ans. Mais on est lus par tout le monde.
Notre public potentiel est partout. Et je pense que sur cette application, on est sur un cœur de cible de 15-30 ans, mais on s’adresse effectivement aussi aux enfants dès qu’ils savent lire et au-delà de 30 ans bien sûr.
Cela veut dire qu’il n’y aura pas un choix d’histoires spécifiques destinées à un public plus adulte ?
JB.R. : On aura un peu de tout, comme dans le journal. C’est ce qu’on essaie toujours de faire. Il y aura de l’inédit, des choses qu’on ne peut plus voir actuellement. Si on ne l’a pas acheté en kiosque, on peut éventuellement les trouver en brocante, mais il y a des dizaines et dizaines d’histoires qu’on ne peut plus acheter. Parce que ce n’est pas comme des livres qu’on peut trouver en librairie, il y a tout un réservoir d’histoires qu’on est content de pouvoir re-proposer et des séries qu’on nous demande régulièrement.
Les gens gardent souvent leurs vieux magazines, ça c’est cool, mais pour tous les nouveaux arrivants qui veulent lire ces anciennes histoires, c’est chouette de pouvoir conserver tout ce patrimoine.
Et justement sur l’application, cela va se faire comment ? Est-ce que ce sera par époques en plus des entrées par personnages ou thèmes qui sont proposés au lancement ?
JB.R. : On ne va pas aller trop loin pour des raisons techniques, c’est-à-dire la qualité des fichiers, c’est compliqué de mettre des fichiers un peu trop anciens. L’idée c’est d’aller picorer.
Quand je croise un enfant qui lit l’un de nos magazines, je lui demande ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas, des histoires en particulier. Ou des personnes nous envoient des mails, mais globalement, on n’a pas de retour, contrairement à un site internet par exemple où on sait sur quoi les visiteurs cliquent, ce qu’ils lisent…
Donc là, ça va être hyper intéressant de voir ce que les gens aiment, ce que les gens n’aiment pas. Cela va nous permettre d’ajuster notre programmation, est-ce qu’on met plus de BD anciennes, patrimoniales ? Est ce qu’il y a des séries qui fonctionnent mieux que d’autres ? On va avoir pour la première fois une finesse dans nos feedbacks.
Par rapport au patrimoine, est-ce qu’il va y avoir des entrées par auteurs ?
JB.R. : Pourquoi pas. La politique des magazines Disney, notamment Picsou sous l’impulsion du précédent rédacteur en chef, c’était vraiment de mettre les auteurs en avant. Chaque fois que c’est possible, on va les interviewer, on va leur demander de nous raconter les coulisses de leurs histoires, qui sont leurs maîtres… C’est des choses qui d’ailleurs pourront trouver leur place sur l’application également.
Donc les entrées par auteur, c’est un truc qu’on espère pouvoir faire. D’ailleurs sur les Trésors de Picsou, on est sur Daan Jippes. On a fait une longue interview et on est en train de faire une sélection, période par période, de ses meilleures histoires. C’est des choses que je trouve passionnantes à titre personnel et qui plaît beaucoup aux lecteurs. Ils aiment bien suivre un auteur, voir son évolution, ses thèmes : des choses qui ont toute leur place sur le format webtoon.
Quel quantité de travail cela a-t-il demandé d’adapter le format de ces œuvres ? Vous êtes nombreux dans l’équipe ?
JB.R. : C’est un prestataire expérimenté qui fait ça, il travaille déjà avec certains des acteurs du marché. On va peut-être faire un article là-dessus justement pour montrer les coulisses du webtoon, et voir comment ils travaillent, c’est intéressant.
Et puis ici, en interne, on a un service de documentation qui nous fait des recommandations. On gère la programmation avec une personne qui est la responsable éditoriale et on fait des réunions régulières surtout qu’on a Le Journal de Mickey, Mickey Parade, Picsou…
Et maintenant l’application webtoon qui est l’équivalent d’un nouveau magazine tous les mois. Ça donne une offre de magazines pour lesquels il faut essayer d’avoir une diversité.
Est-ce qu’il y aura des créations originales ? Vous en avez la possibilité comme Glénat ?
JB.R. : Au moment où on se parle, il n’y a rien d’acté, mais c’est l’envie et ce serait logique. Et de faire ce que font tous les créateurs de contenu : c’est créer du contenu pour l’application et le ressortir derrière pour ceux qui veulent la version reliée. C’est des choses auxquelles on pense très fort.
Au niveau des droits, on a le droit de faire de la création, on en fait ponctuellement. Chez Glénat, ils ont le droit de faire de la création où on sort des standards habituels, des albums « vus par… ». Nous, ce serait dans les standards actuels de Disney, comme ce que font les Italiens.
60 épisodes pour démarrer puis 30 par mois, est-ce que tout reste après ou certains épisodes disparaîtront ?
JB.R. : Un peu comme sur Netflix, régulièrement des choses disparaissent. Mais dans un premier temps, le corpus va gonfler vraiment pour avoir une masse critique, d’histoires à lire, assez conséquente. Et puis ensuite, je pense qu’il y aura un peu de ménage qui sera fait. Peut-être parmi les histoires qui ont le moins bien fonctionné, je sais pas encore.
Il y aura de tout : des histoires de Mickey, des histoires de Donald, de Picsou… la totalité des personnages. Ce n’est pas encore annoncé, mais on a même une série inédite qui va être publiée sur l’application, ça va être sympa.
Une série qui, par son format, s’adaptera très bien à ce format où toutes les semaines, on pourra découvrir un nouvel épisode. Voilà, c’est des choses qu’on avait hésité à passer dans les magazines et là elles trouvent tout à fait leur place.
Pour le coup, c’est du vrai inédit, en plus des rediffusions d’histoires indisponibles…
JB.R. : Je pars du principe que, comme je le fais dans les magazines, je repasse des vieilles BD. Alors il y a évidemment une raison économique, parce que ça coûte moins cher, mais moi, ce que je veux, c’est que les gens puissent lire tous les grands classiques. Parce que chaque magazine qui est acheté est peut-être le premier magazine acheté par un enfant, donc lui, il faut lui montrer un petit peu l’histoire de la bande dessinée Disney qui est très riche.
Donc ce sera le même principe sur l’application, il y aura toutes les époques, il y aura de tout.
La programmation est prévue combien de temps à l’avance ?
JB.R. : On a les 6 premiers mois. Après c’est plus compliqué à gérer finalement qu’un magazine, les BD sont envoyées chez le prestataire pour qu’il les traite, que soit découpé en petits morceaux et déposé sur un back-office. C’est assez complexe et c’est une logique de flux qu’on n’a pas dans le magazine.
Donc il y a une responsable de projet qui est là dessus, qui fait des grands tableaux Excel, et on a les 6 premiers mois. Mais ce qui est bien, c’est qu’on peut ajuster en fonction et on a hâte d’avoir les premiers chiffres et les retours.
Est-ce qu’il y aura des archives de l’édito aussi, est-ce qu’on pourra retrouver des N° de COUAC « Le plus webtoon des canards » ?
JB.R. : Pour COUAC, je ne suis pas sûr, mais on a dans les tuyaux un article là-dessus pour un numéro des Trésors parce qu’on a retrouvé dans les archives des planches originales de Gilles Corre. Tout le monde en parle avec beaucoup de bons souvenirs.
On espère pouvoir mettre un petit peu d’éditorial, des fiches auteurs aussi, l’application ne demande qu’à s’étoffer qu’avec le temps. Et je m’avance peut-être, la technique va me taper sur les doigts, mais on peut imaginer avoir des interviews filmées ou des dessins en live.
Il y a plein de choses qui peuvent être faites à partir du moment où notre porte d’entrée ce n’est plus un magazine papier, c’est une application.
Comment l’application va s’articuler autour des magazines ?
JB.R. : Je ne veux pas que le lecteur qui n’est pas abonné à l’application se sente frustré et inversement. Mais j’aime bien l’idée de pouvoir créer un petit ping-pong entre les deux médias.
Ça va être un outil très vivant pour nous, avec beaucoup de retours assez immédiats. Typiquement, moi je fais ma programmation BD et j’ai une idée que j’adorerais passer dans le magazine, mais il manque dix pages, vingt pages…. sur le webtoon je n’ai pas du tout cette contrainte. On aurait adoré la proposer dans le magazine, mais vous pouvez la retrouver sur l’application.
Nous sommes curieux de savoir comment le catalogue va s’étoffer dans les prochaines semaines après avoir découvert cette offre de départ allégée. Les premières séries annoncées sont là.
Pour connaître les tarifs et conditions ), rendez-vous sur le site ducktoon.com
Tous les visuels sont © Unique Heritage Media © Disney
Thomas Mourier, le 12/06/25023
Ducktoon ? Interview du rédacteur en chef de Picsou magazine
- Les liens renvoient sur le site Bubble pour vous procurer les œuvres mises en avant