Mido en lutte, via Ahmed saisi par Julie Joubert
De prises de vue atmosphériques en studio via des selfies granuleux, Julie Joubert déploye un large éventail de formats d'image pour dresser un portrait à plusieurs niveaux du voyage d'un jeune homme cherchant à se définir face à la lutte.
"Il s'est rapidement démarqué des autres garçons. Il était très à l'aise devant l'objectif et posait facilement. Son désir d'être dans la lumière était palpable", raconte la photographe française Julie Joubert à propos de sa première rencontre avec le protagoniste de MIDO, un jeune homme appelé Ahmed. Elle l'a d'abord rencontré dans un centre de réinsertion sociale pour jeunes à Paris. Puis, quelques années plus tard, lorsqu'ils se sont reconnectés via les médias sociaux, elle a décidé de le suivre à travers les hauts et les bas auxquels il était confronté à l'époque. Il m'a parlé de son parcours chaotique et de son rêve de devenir mannequin. Au début, je ne savais pas du tout où cela me mènerait. J'ai été guidée par la certitude qu'il fallait que je fasse un projet avec ce garçon, à cause de son charisme et de son caractère bien trempé".
Ils ont commencé par réaliser des portraits dans un style plus traditionnel et mis en scène, mais le projet s'est rapidement développé dans de nombreuses directions. Utilisant un reflex numérique, ces images sont tantôt picturales, tantôt nettes, transportant Ahmed dans ce que Julie Joubert appelle une "dimension onirique". Éclairé en vert et en rose, il a l'air d'un autre monde sur une photo. Dans une autre, il se met en scène devant l'appareil photo, exhibant un rouge à lèvres rouge. Au fur et à mesure que la confiance s'installe, il commence à l'emmener avec lui dans ses pérégrinations à travers la ville. Elle utilisait un appareil photo jetable pour ces nuits. "La dureté du flash, le manque de netteté et la texture de l'image permettaient aux défauts et aux défaillances d'apparaître", explique-t-elle.
En réponse aux circonstances changeantes de la vie d'Ahmed, Joubert a modifié à plusieurs reprises son processus de création d'images. Les photos de passeport, les images de téléphone portable et les appareils photo jetables jouent tous un rôle dans l'enregistrement de l'histoire d'Ahmed. Nous voyons les nombreux visages d'Ahmed - dans des selfies, en train de traîner avec des amis, posant, dans des documents officiels, vulnérable. Le résultat est une série qui semble en phase avec son sujet autant qu'avec son époque et son environnement.
Fumant une cigarette sur une terrasse, Ahmed a l'air glamour et langoureux dans la lumière dramatique du soir. L'image semble cinématographique et c'est pourquoi l'image suivante est un choc : une photo d'identité judiciaire granuleuse, maladroitement recadrée, alors que le monde d'Ahmed change brusquement. Au fil du temps, l'instabilité de sa vie s'est accrue. Il est menacé d'expulsion, puis incarcéré à la prison de la Santé à Paris. Le projet aurait pu s'arrêter là, mais ils sont restés en contact.
Joubert décrit les images de cette période comme "des photographies prises à la volée dans le parloir du centre de détention, des images qu'Ahmed m'envoyait depuis sa cellule de prison, les images pixelisées d'un vieux téléphone portable sont apparues comme le moyen de recréer ce contexte. La fragilité des images en basse définition coïncide avec sa perte progressive de liberté".
Magali Duzant pour Lens Culture, édité par la rédaction le 26/06/2023
Mido en lutte, via Ahmed saisi par Julie Joubert
Dans les pixels d'un téléphone portable qui se désagrègent, nous voyons les confins claustrophobes de la prison. Des mois plus tard, Joubert a de nouveau photographié Ahmed, longiligne et délié, noyé dans le jet d'une fontaine, enveloppé d'une lumière éclatante. Puis il réapparaît en embrassant quelqu'un, une ligne de photomatons montrant ses coupes de cheveux avant et après. Tout au long des portraits, nous le voyons changer, expérimenter et grandir en lui-même. Elle note que pendant toute la période où ils ont réalisé les photographies, "ce qui a soutenu Ahmed, c'est sa capacité à s'accrocher à ses rêves".
En choisissant une forme réactive de création d'images, Joubert a permis à la photographie de faire ce qu'elle fait le mieux : capturer par des aperçus, grands et petits, tous les fantasmes, les moments calmes et les dures réalités qui composent une vie.