"Rupestres" : la caverne aux merveilles
Chloé Cruchaudet, David Prudhomme, Emmanuel Guibert, Étienne Davodeau, Pascal Rabaté, Edmond Baudoin, et Troubs ont passé 10 jours au fond d’une grotte, à Pech Merle, dans le Lot, pour laisser une trace d’humains modernes avec les techniques de nos ancêtres. Infos & idées de lecture.
Cette grotte de Pech Merle, vous la connaissez, vous qui lisez des BD : c’est le point de départ d’Étienne Davodeau dans son album Le droit du sol — journal d’un vertige. Déjà, il mettait en scène ses discussions avec Bertrand Defois, directeur du développement du centre de préhistoire de Pech Merle, dans ces planches. Ils s’interrogent sur le dessin, sur le geste, sur ces traces laissées entre 20 000 et 30 000 ans pour ce lieu. « Et sur les raisons qui poussaient ces sapiens à dessiner, que sait-on ? » demandait le dessinateur.
En 2011, 6 dessinateurs (Étienne Davodeau, David Prudhomme, Marc-Antoine Mathieu, Troubs, Emmanuel Guibert & Pascal Rabaté) avaient déjà visité ces grottes et avaient tiré un album Rupestres où chaque auteur revenait sur cette expérience, sur sa vision du dessin après la visite dans la grotte et sur ce qu’ils avaient appris.
Cette fois la démarche est différente. Pas de livre prévu, mais une grotte pour terrain de jeu. Les auteur.trice.s ont investi cette caverne et ont chacun expérimenté sur la paroi. Des figures, paysages, dessins abstraits… ; des dessins en solo, des œuvres collectives ; des traits qui resteront gravés dans la roche à la manière des femmes & hommes qui vivaient là il y a 30 000 ans.
📽 Des images animées & du son
Cette caverne aux merveilles ne sera pas accessible au public, mais fera l’objet d’un documentaire de 52 minutes, réalisé par le réalisateur et chercheur archéologue Marc Azéma.
Spécialiste de l’art pariétal, le réalisateur est aussi un grand amateur de bande dessinée et a produit plusieurs expositions liant ces deux passions. Marc Azéma avance que « les origines de la figuration narrative (BD) remontent à la Préhistoire, tout comme celles du dessin animé. », une idée qu’il propose dans sa thèse La représentation du mouvement dans l’art pariétal paléolithique de la France : approche éthologique du bestiaire en 2005.
Cette approche donne à ce futur documentaire un intérêt supplémentaire, car déjà sur les comptes Instagram de Chloé Cruchaudet et David Prudhomme nous avons pu avoir un aperçu des expérimentations graphiques des résidents. Des dessins qui changent selon la perspective ou les ombres, des dessins qui s’adaptent à la paroi, des dessins qui usent d’illusions d’optique et semblent s’animer… voilà quelques expérimentations que la caméra de Marc Azéma aura l’occasion de mettre en scène.
Du son aussi, pendant que les outils effleurent la roche, que les pas résonnent ou qu’un dessinateur chuchote des passages d’Hamlet.
📸 Des images figées & des com’
En attendant ce film, le photographe spécialisé dans les images souterraines Rémi Flament a suivi l’aventure (allez voir son compte pro, même si cela n’a rien à voir avec ce projet, elles sont folles) et a pris des photos visibles sur le compte Instagram de David Prudhomme.
Sur ce compte, David Prudhomme propose une série de 25 posts où il dévoile les créations de la grotte, du plus profond —dans l’alcôve de Chloé Cruchaudet, Pascal Rabaté et Troubs— jusqu’au paysage d’Emmanuel Guibert au plus proche de l’entrée.
De son côté Chloé Cruchaudet a publié 6 posts avec un texte qui relate cette expérience hors du commun, pour nous donner des impressions. Elle propose aussi des photos des outils & du matériel utilisé ou encore des lieux au-dessus de la grotte, pour compléter les posts de David Prudhomme.
L’ensemble est passionnant, on y passe des heures —croyez-en mon expérience des dernières semaines avant de finaliser ce texte— et on espère qu’en plus du documentaire de Marc Azéma, un beau livre making of verra le jour.
📚 Bonus : Quoi lire en attendant le documentaire ?
Les comptes Instagram cités plus haut bien sûr !
Mais aussi Rupestres d’Étienne Davodeau, David Prudhomme, Marc-Antoine Mathieu, Troubs, Emmanuel Guibert & Pascal Rabaté pour en saisir l’ambiance et avoir une idée de ce qu’ils ont vus & vécus avec des approches narratives ou poétiques.
Le droit du sol — journal d’un vertige d’Étienne Davodeau qui met en scène sa rencontre avec Bertrand Defois et qui s’interroge sur l’acte du dessin et les traces que nous laissons en filigrane de sa marche vers un site d’enfouissement de déchets nucléaires. (Lire le coup de 💖 ici)
Mike d’Emmanuel Guibert, un livre sans image qui s’interroge sur une vie tournée vers les autres & le dessin. Dans ce livre, il interroge sa pratique et raconte —entre autres— comment il aime utiliser de nouveaux matériaux ou dessiner in situ : des préoccupations similaires au travail des artistes dans la grotte. (Lire le coup de 💖 ici)
Thomas Mourier le 7/*11/2022
La caverne aux merveilles : un documentaire de Marc Azéma