L'expressionisme pop de la chambre des rêves de Féebrile
Si votre imaginaire tire sa cohérence de la fréquentation simultanée des ambiances noir et blanc de Murnau, Lang, ou Lou Reed, comme de la Nuit des morts mexicains, de CocoRosie, Anne Van der Linden et d’Amandine Urruty… alors La Chambre des rêves de Féebrile va vous sembler participer de ces/ses univers singuliers et les prolonger autrement.
De La Maison de mon rêve des sisters Casady, Sierra (Rosie) et Bianca (Coco) à l’exposition La Chambre des rêves, il n’y a qu’un battement de cils qu’Isabelle Royet-Journoud alias Féebrile a du franchir depuis ses années lycée qui l’ont vue plus occupée à bricoler ses photo-montages qu’à suivre les cours. A tel point qu’elle a sauté le pas en coureuse de fond d’un imaginaire vertigineux, vénéneux et sexué au féminin du trouble pour en manifester l’ampleur et la carte. Le menu se trouve actuellement à Arts Factory…
A la question du Pourquoi avoir choisi le nom Féebrile ? Elle répondait en 2015 : Ca fait longtemps que j’ai ce pseudo ! Si on veut lui donner un sens il est certain que le côté fantastique, allié au côté fiévreux, correspond à mes photographies.
Et, au Comment qualifierais-tu ton univers ? Ceci : D’évolutif ! Mes photos étant le reflet de mes goûts, de mes envies et sentiments du moment, mon « univers » tend à changer, à évoluer, à grandir, du moins je le souhaite.
Mais son travail n’est pas que photographique : tu réalises des vidéos, des écrits et tu fais également de la musique peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?
Tout ça est vraiment sporadique mais je reviens parfois à l’un ou à l’autre. L’écriture est ma première passion. La musique vient peu à peu, ce serait un rêve de faire un petit CD un jour ou au moins des musiques dont je puisse être fière. Qui sait ?
En revenant à ses choix et méthodes de travail on obtient ceci :
Ça dépend vraiment de la photo, si c’est un autoportrait ou si c’est avec un(e) modèle ou encore si c’est une photo de ma série « Les Petites », ce sera très différent. Pour cette dernière, je fais un croquis préparatoire et je m’y tiens. Pendant plusieurs jours, je construis le décors et ensuite je prends la personne qui pose selon le croquis. Je sais où je vais et c’est donc plutôt rapide. A l’inverse une séance avec un(e) modèle, même s’il y a un thème de départ, laisse plus de place à l’improvisation. Et pour l’autoportrait c’est un peu les deux à la fois, un savant mélange de préparation et d’improvisation.
Et, puisqu’on célébrait la semaine passée la vie et l’œuvre de Félix Guattari, on va vous filer une clef de l’œuvre de Féebrile : le rhizome - ce modèle descriptif et épistémologique dans lequel l'organisation des éléments ne suit pas une ligne de subordination (comme dans une hiérarchie) — avec une base (ou une racine, un tronc), offrant l'origine de plusieurs branchements, selon le modèle de l'Arbre de Porphyre—, mais où tout élément peut affecter ou influencer tout autre. L’unité dans la multiplicité du lien qu’on trouve sur son site, au fil des séries : SELFPORTRAITS, REVISITATIONS, DISTORSION, POLAS, LES PETITES, PRINTEMPS NOIR, comme dans ses VIDEOS et ses nombreuses TALES déclinées en textes et nouvelles.
Après une participation remarquée lors de la gargantuesque exposition collective "Les Crocs Électriques" conçue en 2020 par Jessica Rispal et Stéphane Blanquet, la mystérieuse Féebrile est de retour à la galerie Arts Factory pour son premier solo show parisien. Installée à l'entresol du loft de la rue de Charonne, "La Chambre des rêves" propose une immersion dans l'univers d'une artiste singulière au sein de la photographie contemporaine.
Si l'autoportrait est le centre de son œuvre, Féebrile s'est créée au fil des années une série d'alter-egos évoluant dans d'étranges saynètes à la fois drôles, oniriques et/ou érotiques. Les décors façon carton-pâte de ses photographies évoquant tout à la fois Georges Méliès, l'expressionnisme allemand ou le surréalisme de Luis Buñuel, voir les poupées déconstruites d’Hans Bellmer.
Telle une Alice perdue dans un théâtre d'ombres et de lumières, Féebrile nous invite à la suivre dans le dédale de ses cauchemars les plus intimes. Entrez, vous êtes chez vous, amis déviants, qui ne croyez plus au conformisme d’une époque devenue fade de trop de monnaie de singe via les influenceurs décérébrés. En savoir plus : ici, là et là
Jean-Pierre Simard le 24/10/2022
Féebrile - La Chambre des rêves - ) 26/11/2022
Galerie Arts Factory - 27, rue de Charonne 75011 paris