En quête de nouvelle lisibilité : Les Indestinés de Fabien Granet
D’entrée, l’impression d’être concerné par Les Indestinés de Fabien Granet, c’est ce qui s’est passé à Drawing Now en regardant quelque chose qui se donne à voir en le disant et qui, dans son hésitation même, séduit à lire/proposer/réfléchir et faire passer un état d’esprit du moment, une idée de quête dans un rendu impeccable.
Sur le stand de la galerie Jean-Louis Ramand, jusqte avant l’ouverture au public, Fabien Granet, attentif et volubile parle d’une idée trouvée en pesant à Jean-François Lyotard pour mieux rebondir sur Deleuze et Guattari. On est en terrain commun. On y sent comme un refus de la pensée morbide, un vrai élan pour ne jamais simplifier le propos et lui restituer toutes les dimensions qui sont les siennes. Et son travail de se dévoiler intrigant et multiple, explosé et pourtant d’une totale unité qui pose son questionnement sur la lisibilité des paysages, jamais sages, mais bien cadrés.
« Le dessin comme geste me permet d’exploiter une (re)mise-en-scène comme autant de possibles en devenir. Par la qualité du dessin comme marqueur de pensée, il ne s’agit pas de construire des « mondes rêvés » mais plutôt de mettre en place un dispositif qui permettrait un dialogue conscient d’une certaine perception du vrai. »
Si La nature nous offre une réalité infinie, nomme se voit contraint par ses sens au cadrage de cette immensité. A l’objectivité du matériau brut, il oppose la subjectivité de la notion de paysage. Ainsi, la réalité lui devient accessible par son morcellement de bribes saisies au réeL associées dans un nouvel espace de pensée, il puise la manne du projet de paysage : la fabrique de la “cosa mentale” selon une structure géométrique qui sous-tend la future représentation.[...]
L’homme construit et déconstruit, comme il habite le monde. En cette matière instable, L'artiste a la liberté de l’exploration technique, de l'investigation un médium dont Il rend compte en mêlant les étapes géométriques au dessin final. Mais dans cet agencement quelle place conserve la réalité ? Le spectateur y hésite entre perception brute et représentation. Où commence le mirage ? L’artiste nous soumet un projet dans lequel les repères se perdent : une fiction née du paysage, une appropriation des éléments pour en faire jaillir la poésie. Dans cette affabulation onirique, des formes noires presque inquiétantes scandent L'image. Elles interrogent, à l'aune de l’expérience personnelle. La réalité est en ce sens multiple, évolutive au gré des expériences et des récits intimes, autant de filtres construits au fil du ternps. [...] Blandine Boucheix (02/2020)