L'euphorie en jazz avec Ringgo Ancheta, un rare plaisir

L'euphorie, difficile à saisir en musique, est ce que Ringgo Ancheta (alias Mndsgn) recherche dans son nouvel album. Éclaboussé de RnB, agrémenté des textures sépia des bandes originales de films des années 70 et propulsé par le falsetto désincarné d'Ancheta, Rare Pleasure est un disque de bien-être qui vibre de positivité à un niveau presque atomique. Entièrement libéré, il est irrésistible.

Passer du temps avec Rare Pleasure, le premier album complet d'Ancheta en cinq ans, revient à se laisser porter par des nuages de barbe à papa. Le monde devient étourdissant. On ne sait pas toujours où l'on va. On ne s'est jamais senti aussi bien. C'est un album joyeux et flottant. Mais le projet est conscient de ses racines et des dettes qu'il a contractées. Il porte en lui la douleur extatique de la musique religieuse, qu'Ancheta connaît intimement depuis les gospels qu'il entendait à l'église de son enfance.

Les années 70 sont une autre référence clé. Ou, du moins, des années 70 fantasmées dont on se souvient à moitié, où les boules disco sont toujours étincelantes, où les solos de saxophone sont interminables et où le jazz et la pop sont entremêlés comme les amants gravés au fusain dans Les joies du sexe. Rare Pleasure est également imprégné d'un esprit de collaboration. Ancheta - fondateur du collectif Klipmode basé à Los Angeles et collaborateur occasionnel de Danny Brown - est rejoint par Kiefer Shackelford au piano, le producteur Swarvy à la guitare et à la basse, et Carlos Niño aux percussions.

Leur musicalité est empathique et chaleureuse. Tout comme les paroles d'Ancheta. Par exemple, "Hope You're Doin' Better", le morceau le plus entraînant de l'album, est une déclaration de soutien à un être cher qui traverse des difficultés de santé mentale. "Tu sais que tu as un ami quand tu en as besoin", chantonne-t-il. Dans le meilleur sens du terme, c'est le thème de Friends qui est canalisé dans des chaussures à la mode et une samba lo-fi.

On y trouve aussi de la mélancolie, si on cherche bien. Elle se retrouve dans des morceaux comme "Slow Dance". "Si tu danses lentement", chante Ancheta, "je pourrais vraiment prendre le temps de mieux te connaître". L'effet est à la fois jubilatoire et tendu sur les bords. Que faire si l'objet de son affection ne veut pas du slow ? Est-ce que cela va déchirer le Narnia funk-streaké que Mndsgn a voulu faire exister ?

Ce sont ces petites touches de noirceur qui font la force de Rare Pleasure. L'album dérive sur des lits de plumes de bonheur onirique. Mais il s'agit, on s'en doute, de l'œuvre d'un artiste qui a enduré son lot de cauchemars pour arriver à son bonheur.

Oscar Teufigues
Mndsgn - Rare Pleasure - Stone Throw

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