L'exercice de lévitation télépathique de Can à Stuttgart en 1975

A l’égal de Zappa, Miles ou le Velvet, Can. Partant d’autres présupposés plus contemporains pour cause d’études avec Pousseur ou Stockhausen, le groupe de Cologne a emprunté à Teo Macero sa méthode pour Miles Davis de tout faire entrer dans un enregistrement en piquant dans les heures d’impro pour construire des titres. Merci Holger Czukay pour la production qui ira jusqu’à remixer les titres en live en laissant sa place à l’ex-bassiste de Traffic, Roscoe Gee.

A bosser comme des tarés en studio pendant des années, le groupe a développé une unité à nulle autre pareille, plus qu’un son, une entité de groupe, proche de la télépathie qui en a fait une hallucinante machine à groove à tel point que c’est Can qui groove et pas ses musiciens, avançant en front uni et se repassant motifs et couleurs pour les faire se développer sans qu’à aucun moment quelqu’un tire son épingle du jeu en particulier, à privilégier le schéma général défini à partir de titres ou motifs connus pour les propulser dans l ‘ailleurs de l’instant du live et différemment de la version de base enregistrée.

Evidemment, cela n’est possible que parce tous sont des tueurs instrumentaux - Michael Karoli guitare et violon, Irmain Schmidt, claviers et synthés, Holger Czukay Basse et et Jaki Liebezeit, percussions - que l’ouverture propre à chaque titre, déjà connue, permet de pousser l’expérimentation là où elle n’était pas encore allée avec les ressources de l"‘improvisation, au-delà de la connaissance musicale stricte et barrée du contemporain. Bonheur donc de découvrir ce Can: Live in Stuttgart 1975, retrouvé il y a peu et que sortent Conjointement Spoon et Mute.

Si, par mégarde, vous ne possédez ni Monster Movie, ni Tago Mago, ni Future Days - je ne sais pas moi, braquez un milliardaire… cet album arrive après les pré-cités pour faire le point sur les pistes déjà suiviees, envisagées, jouées et qui se trouvent ici redéfinies dans l’instant qui se crée, se développe, mute et enfin se termine. Pour accrocher, on part d’instants connus et on se laisse porter par l’indéfini en cours de construction qui joue et se joue dans nos oreilles pour d’autres variations. A nul autre pareil, Can.
Heu… grand disque !

Les fans hardcore de Can trouvent que le pressage de l’album est en dessous de la version bootleg qui tourne sur le Net depuis des années et que - si 1975 est la meilleure année pour les impros du groupe - il faudrait aussi trouver ceux de Geissen, Arles et Bruxelles. Mais Spoon annonce que ce n’est que le premier d’une série - dont on ne sait rien de plus pour l’instant. Fouillez donc les internets pour en savoir plus… 

Jean-Pierre Simard le 3/06/2021
Can- Live in Stuttgart 1975 - Spoon/Mute