Faire l'abstraction disent-elles enfin à Beaubourg…
Dès mercredi, Beaubourg propose un voyage dans l’histoire de l’abstraction au féminin des 1860 à 1980 et plus. L’occasion de découvrir à travers cent six artistes et plus de cinq cents œuvres, le travail de nombre d’entre elles, qui souffre d’un manque de visibilité et de reconnaissance au-delà des frontières de leur pays.
L’exposition « Elles font l’abstraction » présentée au Centre Pompidou jusqu'au 23 août 2021, propose une relecture inédite de l’histoire de l’abstraction depuis ses origines jusqu’aux années 1980, articulant les apports spécifiques de près de cent dix « artistes femmes ». La commissaire générale Christine Macel et la commissaire associée pour la photographie, Karolina Lewandowska, revisitent cette histoire, tout en mettant en évidence le processus d’invisibilisation qui a marqué le travail des « artistes femmes », à travers un parcours chronologique mêlant arts plastiques, danse, photographie, film et arts décoratifs. Les artistes y sont présentées, selon les termes choisis pour le titre, comme actrices et co-créatrices à part entière du modernisme et de ses suites.
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L’exposition présente les tournants décisifs qui ont marqué l’histoire de l’abstraction tout en remettant en cause ses canons esthétiques, sans pour autant en redéfinir un. Il s’agit aussi de dépasser l’idée d’une histoire de l’art conçue comme une succession de pratiques pionnières. En redonnant une place aux « artistes femmes » au sein de cette histoire, l’exposition en démontre la complexité et la diversité. Elle opère tout d’abord une incursion inédite dans le XIXe siècle avec la redécouverte de l’œuvre de Georgiana Houghton datant des années 1860, bouleversant la chronologie des origines de l’abstraction à partir
de ses racines spiritualistes. Elle valorise ensuite des figures phares par de mini-monographies mettant en avant des artistes peu montrées en Europe ou injustement éclipsées. Une attention toute particulière est donnée aux contextes spécifiques qui ont entouré, favorisé ou au contraire limité la reconnaissance des « artistes femmes » – des contextes à la fois éducationnels, sociaux, institutionnels. L’exposition révèle ainsi le processus d’invisibilisation de ces artistes tout en rendant compte de leurs positions, avec leurs complexités et leurs paradoxes. Beaucoup, comme Sonia Delaunay-Terk, se sont situées au-delà du genre, quand d’autres comme Judy Chicago, ont revendiqué un art « féminin ».
Cette histoire au féminin remet en cause la limitation de l’étude de l’abstraction à la seule peinture, une des raisons pour lesquelles nombre de femmes en ont été écartées, une certaine approche moderniste rejetant la dimension spiritualiste, ornementale et performative de l’abstraction. La perspective se veut également globale, incluant les modernités d’Amérique latine, du Moyen-Orient et d’Asie, sans oublier les artistes africaines-américaines qui n’ont eu de visibilité qu’à partir du début des années 1970, pour raconter une histoire à plusieurs voix et dépasser le canon occidental. Des espaces plus documentaires sont dévolus dans la scénographie à des expositions fondatrices, des actrices majeures de l’abstraction, des figures de la critique, notamment au sein des luttes féministes des années 1970 puis de leur relecture postmoderne.
« Elles font l’abstraction » soulève par ailleurs de multiples questionnements. Le premier concerne les termes mêmes du sujet : l’abstraction, ce langage à partir de formes plastiques qui s’épanouit au début du XXe siècle, embrasse en fait de multiples définitions. Un autre porte sur les causes de l’invisibilisation spécifique des femmes dans les histoires de l’abstraction perdurant encore aujourd’hui. Peut-on continuer à isoler des « artistes femmes » dans une histoire séparée, alors qu’on la souhaiterait plurivoque et non genrée ? Il s’agit enfin de révéler les apports spécifiques des artistes présentées. Chacune à leur façon, ces artistes particulières, originales et uniques, sont partie prenante de cette histoire.
Après les déclarations d’intention des organisatrices/curatrices de l’expo, le programme est très alléchant qui propose conférences à venir, podcast et autres réjouissances comme décrit ici-même :
Elles font l’abstraction - à suivre, avec un catalogue de 352 pages avec 390 illustrations (format 22,5 × 30 cm) est publié par les éditions du Centre Pompidou sous la direction de Christine Macel, commissaire générale et de Karolina Lewandowska, commissaire associée pour la photographie. Il comprend cinq essais, quinze focus thématiques et cent douze notices sur les artistes exposées, évoquant leur manière d’aborder l’abstraction et la réception de leurs œuvres. Une chronologie relate les faits liés à l’abstraction et à l’histoire culturelle et féministe. Une version anglaise est co-éditée avec Thames & Hudson ; une version espagnole et basque est co-éditée avec le Guggenheim Bilbao.
Un colloque international « Elles font l’abstraction – une autre histoire de l'abstraction au 20e siècle » est organisé les 19, 20 et 21 mai 2021 par Christine Macel et le service de la parole du Centre Pompidou en partenariat avec l’association AWARE : Archives of Women Artists, Research and Exhibitions et le LEGS (Laboratoire d'Etudes de Genre et de Genre et de Sexualité - Paris 8 Vincennes Saint-Denis / Paris Nanterre), avec comme invitées d'honneur Adrienne Edwards, Briony Fer, Harmony Hammond et Griselda Pollock. Avec le soutien de Catherine Petitgas et de la ComUE Université Paris Lumières (UPL).
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Le MOOC « Elles font l’art », en prélude à l’exposition, est consacré aux artistes femmes de 1900 à nos jours. Ouvert à toutes et tous, gratuit, il est accessible depuis le 25 janvier 2021 jusqu’au 25 juin sur la plateforme FUN et compte déjà 38 000 inscrits De nouveaux contenus viendront alimenter le MOOC à l’occasion de l’ouverture de « Elles font l’abstraction ». On s’inscrit ici
Jean-Pierre Simard, sur dossier le 18/05/2021
Elles font l’abstraction -> 23/08/2021
Centre Pompidou - Galerie 1 Niveau 6, Plateau Beaubourg 75003 Paris