Les Sons of Kemet envoient leur Retour vers le futur black - et ça cause !

Sept ans déjà que Shabaka Hutchings sert de poisson-pilote à la scène jazz alternative londonienne et envoie sous trois formes différentes sa vision actuelle la musique, entre jazz, électro fusion et roots revisité. Ici, on en parle beaucoup, mais toujours à bon escient. Beau à se dandiner sous la pluie… 

Hutchings a fondé Sons of Kemet en 2011 avec le tubiste Theon Cross et les batteurs Eddie Hick et Tom Skinner. Black to the Future est le quatrième album du groupe. Il a été enregistré par la formation fondatrice et c'est un véritable succès. A tel point que si le tuba ne vous fait pas vous trémousser, il faudra consulter… 

L'une des principales caractéristiques de Sons Of Kemet - et aussi de Shabaka & The Ancestors et The Comet Is Coming - est que, quelle que soit la sophistication de la musique à un certain niveau, elle résonne aussi avec les expériences vécues par son public. C'est la jonction entre le conservatoire et le chaman. Il y a une pointe d'énergie, un sens du drame, du danger et de la guérison, qui sont absents de tant de jazz en 2021 et qui le sont de plus en plus depuis l'époque du bop de première génération, du hard bop et du spiritual jazz, laissant un vide dans lequel le hip-hop et d'autres musiques se sont engouffrés.


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Comme tous les albums de Hutchings, Black to the Future est accompagné d'un manifeste sur la pochette. Le passage clé est le suivant : "Le sens [de l'album] n'est pas universel et le contexte culturel de l'auditeur façonnera sa compréhension... [mais] le message primordial reste le même : pour que l'humanité progresse, nous devons considérer ce que signifie être Black To The Future." Le récit est présenté dans l'ordre des titres des morceaux : Field Negus / Pick Up Your Burning Cross / Think of Home / Hustle / For the Culture / To Never Forget the Source / In Remembrance of Those Fallen / Let the Circle Be Unbroken / Envision Yourself Levitating / Throughout the Madness, Stay Strong / Black.

La parole est très présente et si l'on devait avoir un doute sur le message de l'album, il serait levé par les poètes, MCs et rappeurs invités. Parmi eux, Angel Bat Dawid de Chicago, Moor Mother de Philadelphie et MC D Double E, Kojey Radical et Joshua Idehen de Londres. Parmi les invités instrumentaux, on compte trois des jeunes stars émergentes de la scène londonienne : la saxophoniste alto Cassie Kinoshi, le trompettiste Ife Ogunjobi et le tromboniste Nathaniel Cross. Un autre visage particulièrement bienvenu est celui du saxophoniste ténor pionnier Steve Williamson, qui, avant la pandémie, faisait un retour timide à la scène après une décennie et plus hors de l'œil du public à lutter contre la dépression. L'un des faits marquants de 2019 a été la présence de Steve Williamson à la tête de l'orchestre de jazz des étudiants de son alma mater, la Guildhall School of Music & Drama, lors d'un concert unique intitulé "Celebrating Coltrane". On peut évoquer ici aussi les aventures du Steve Coleman du début des années 90 à manager trois groupes entre free, hip hop et groove, pour dire l’importance du Shabaka de 2021.

Une décennie et plus après avoir été diplômé de la Guildhall, Hutchinson est souvent décrit comme un "sauveur du jazz". Que pense-t-il de cela ? "Je pense que c'est une bonne technique de marketing pour vendre quelques papiers ou obtenir quelques clics", répond-il. "Mais je ne fais que mon métier. En fait, je ne pense pas que le jazz ait jamais été dans une position compromettante, il n'a jamais vraiment eu besoin de sauveurs." Quoi qu'il en soit, Black To The Future est un véritable coup de fouet à l’introduction facile, amis ua son marquant de bout en bout en alliant lyrisme, groove et discours affûté. Tout bon !

Jean-Pierre Simard le 17/05/2021
Sons of Kemet - Black to the Future - Blue Note

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