Laëtitia Badaut Haussmann vous offre L’Or, l’Encens et la Myrrhe
La pratique de Laëtitia Badaut-Haussmann est plurielle et fragmentée. Sculpture, vidéo, texte, photo, sont autant de moyens utilisés — parmi tant d’autres envisageables — pour aboutir à une histoire, s’inscrivant toujours dans le contexte plus large de l’Histoire.
Ainsi l’artiste a-t-elle exposé un buste en plâtre de Bernardino Verro, un syndicaliste socialiste sicilien assassiné par la mafia en 1915, dont la statue à son hommage est encore aujourd’hui systématiquement détruite dans son village natal de Corleone (!), comme un perpétuel assassinat. Cette œuvre pose la question de l’exposition dans l’espace sacré du lieu d’art, en opposition à l’impossibilité de son existence dans l’espace public. Avec Cosmic Heirloom (2009), elle reproduit à l’identique une météorite trouvé par son arrière-grand-père, mêlant légende familiale et conquête de l’espace.
L’intime se mêle ainsi au public dans un mouvement qui fait se rejoindre macrocosme et microcosme. L’artiste jongle avec les temporalités, ajoutant aujourd’hui le nouveau chapitre d’un récit initié par d’autres hier. C’est le cas d’un entretien de Jean-Luc Godard (avec Samuel Blumenfeld, Christian Fevret & Serge Kaganski en 1993), dans lequel le cinéaste indique : « j’adore le tennis, je peux regarder un gamin de 12 ans taper pendant 2 heures contre un mur ». L’image évoquée pousse l’artiste à réaliser un court film (Tiebreaker, 6’30’’, 2010), dans lequel un jeune garçon frappe une balle indéfiniment contre un mur, œuvre d’une beauté étrange dans sa simplicité. Son but à long terme est d’élaborer, selon ses propres mots, une «cartographie du visible», par l’intermédiaire de « micro-récits qui sont autant de nouvelles perspectives sur le réel ».
S’interrogeant sur les potentialités de la fiction dans le domaine tant audiovisuel que littéraire, Laëtitia Badaut-Haussmann mêle intimement des fragments de récits d’origines variées. Avec Phi Kappa Sigma (2010), photographie du bâtiment d’une fraternité sur un campus américain, surmontée d’une tête de mort, l’artiste pose la question du dépassement et de la transmission. La chronologie est d’importance et sert de fil directeur, avec des allers-retours temporels entre les œuvres elles-mêmes, à travers le filtre du quotidien.
Chaque œuvre de Laëtitia Badaut-Haussmann apparait comme le nouvel indice d’une présence fantomatique en négatif. P.151b (2006) est l’occasion d’ajouter une lettre à la correspondance de deux personnages de la nouvelle « Lettres de Los Angeles » de Breat Easton Ellis… Vingt ans plus tard. Tout geste de l’artiste est unique et crée une constellation d’œuvres « caméléons », permettant à l’artiste de ne jamais se trouver exactement là où on l’attend et de transmettre son souffle vital à des instants a priori banals.
Or, Encens & Myrrhe, c’est un titre qui illustre cette idée de générosité de la part des artistes dans des temps difficiles. " Or ", qui invite à célébrer ensemble la place précieuse et inaltérable que l’art occupe dans nos vies. " Encens " qui invite à chercher le sublime en nous-même. " Myrrhe " qui invite, à nous regarder, dans toute notre fragilité, force et humanité.
Daria de Beauvais le 8/04/2021
Laëtitia Badaut Haussmann - Or, Encens & Myrrhe ->17/04/2021
Galerie Dohyang Lee 73-75, rue Quincampoix 75003 Paris