Palais italiens avec vues sur les ruines : “Veduta” de Thomas Jorion
Fin 1980, à la sortie du Remain in Light des Talking Heads, David Byrne chantait Houses in Motion, l’histoire d’un homme au fond du trou qui rêve de réussite et de construire quelque chose de durable, et finit par creuser le centre de la terre pour y trouver un sens. Veduta en est le pendant parfait. Décati, pas Ducati…
Le védutisme était une école de peinture italienne du XVIIIe qui s’appliquait à rendre en perspective des des paysages urbains. On souligne ici l’emploi ironique et l’arrivée de la perspective historique avec la photo. ET c’est justement l’idée sous-jacente du livre - comme un après d’une époque révolue ; celle du monde d’avant qui, en 2021, prend un sens exclusivement giratoire. Pour le moins.
Pas de retouche, ni de mise en scène. Ce sont des vestiges crus, sans artifices autres que ceux d'origine qu'a saisi le français Thomas Jorion à l'aide de son appareil photographique analogique, au gré de ses voyages en Italie. Du Piémont à la Sicile, il s'est attelé à immortaliser des bâtiments tombés en décrépitude, où subsistent encore des traces de leur splendeur passée.
Comme un voyage silencieux dans une Italie qui n'est plus, il nous invite à la contemplation et à la réflexion : qu'a-t-il donc bien pu se passer pour qu'on abandonne ces lieux en y laissant souvent meubles et rideaux ? Quels secrets recèlent ces moulures à peine abîmées ? Quelles histoires ces murs ont-ils abrités ?
Dans Veduta (éditions La Martinière), il a rassemblé les clichés de cette exploration poétique, comme une célébration de la beauté décadente de ces endroits abandonnés, dont la majesté tient souvent à ce que le temps et la nature leur ont fait.
Nabis Lazuli le 8/03/2021
Thomas Jorion - Veduta - éditions de la Martinière