En direct d'ailleurs, le son serpentin de Bobby Lee avec ses Mythes premiers

Sheffield a beau être la ville de Pulp et de Cabaret Voltaire, c’est plus du côté de Manchester et de Vini Reilly, qu’il faut chercher les racines du son de Bobby Lee, voir chez Richard Thompson. Folk cosmique et raga à tous les étages !

Sur le titre qui sonne juste Origin Myths, du multi-instrumentiste Bobby Lee, basé à Sheffield, les chansons se mélangent comme dans un rêve. C'est un raga pour tenter une transe. C'est une musique destinée à des états modifiés, et qui se glisse dans et hors de la lucidité et des fièvres. Comme un serpent qui avale sa propre queue, aucun morceau ne se démarque vraiment, juste la respiration d’une spirale d'après-midi chaude. Hypnotique, une fois !

Des titres émergent avec de puissantes énergies. Ce qui leur confère des formes mineures de distinction. Looking for Pine and Obsidian nous emmène un peu plus au nord de ce disque sur le désert, par exemple, et pourrait être la détresse d'un alien. Où cherchait-il un endroit pour poser sa soucoupe ? Pourrait-il être ici, dans cet endroit étrange et désolé ?‘ The Badger and the Locust," est accompagné de "Wind in the Willows-like schema", et "A Clot of Blood in Space" aurait pu facilement être nommé par Syd Barrett pour l’aspect nursery rhyme. Le jeu de guitare, aussi envoûtant soit-il, rappelle quelquefois Robert Fripp ou Kurt Vile défoncé, avec un zeste de Ravi Shankar élevéi dans le nord de l'Arizona, là où le paysage sec rencontre les arbres.

Ailleurs, certaines saveurs se révèlent à vous : "Fire Medicine Man" offre son blues champêtre avec une lap steel qui glisse sur la piste et des quantités absurdes de réverbération. En arrière-plan, une simple boîte à rythmes bat et une ligne de basse qui se prélasse se stabilise. "Rule the Summer Clouds" est un autre bon moment d’apesanteur. L'appel aux armes le plus doux de tous, avec ses accords répétitifs en effet d'orgue vous disant de vous élever vers le ciel bleu clair et de vivre sereinement une bonne et flottante journée d'été.

Le titre 6, "Impregnated by Drops of Rainbow" est le meilleur du EP. Des fractales de guitare en boucles et en éclats se répètent et se dissipent plus vite que sur le reste du disque, se repliant et réapparaissant comme de frénétiques rongeurs ou des fragments sonores en boucles sur une balançoire. Ironiquement, le meilleur titre est probablement le morceau le moins intéressant à écouter indépendamment. Si l'on considère la singularité de ce morceau, la piste de la caisse claire et de la batterie semble bien trop traitée par ordinateur pour s'intégrer naturellement dans le motif. Mais sur "Origin Myths", vous n'écoutez pas à petites doses, vous digérez le tout et vous vous sentez tentaculaire et déployé. Comme le dit Edward Abbey, "la liberté commence entre les oreilles" et ici, pour l’instant l’espace ( pas que sonore) est entièrement déconfiné. Cet EP arrive un mois avant la sortie de l’album Shakedown In Slabtown, dont est issue la vidéo d’illustration du début, qui sortira sur Cabbage Records. Enjoy !

Nibis Lazuli le 8/03/2021
Bobby Lee - Origin Myths - Tompkins Square Records

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