Pierre Seinturier : la maison où la photographie nourrit la peinture
“The Little House they used to Live in” de Pierre Seinturier, derrière la richesse et la prolixité de son univers, use de son hermétisme apparent pour nous saisir et ancrer son imaginaire au nôtre, jusqu’à nous y fondre. Nouvelles techniques et nouvelles perspectives d’une œuvre qu’on suit depuis le départ.
Déclic et détente, deux termes que tout oppose se rencontrent pourtant dans le cas de l’armement de l’appareil photographique, dont l’usage a largement participé à la fabrication des images présentées au long de ce nouveau parcours à la galerie GP & N Vallois. Une analogie loin d’être innocente quand on prend connaissance de ces nouveaux tableaux qui marient, à travers les collages, mélanges et créations qui leur ont donné naissance. Derrière sa table de dessin, d’où tout prend toujours forme avec Pierre Seinturier, s’active une tension palpable entre réalité et invention.
La photographie a une grande importance chez vous.
Oui, j’utilise en ce moment un vieil appareil argentique (canon AE1) qui me permet de prendre des « notes » en photo. J’aime ça avec la photographie, être aux aguets et, même lors d’une promenade, être attentif. Il y a ainsi un peu de tout dans cette nouvelle série, des bouts de photos, des croquis, des assemblages, des souvenirs réinventés…
Justement, que voit-on dans cette nouvelle série ?
Certains tableaux peuvent être des reprises de photographies existantes, à l’image d’une reprise de la demeure présente dans le booklet de l’album Abbey Road des Beatles, à peu près inchangée et à laquelle j’ajoute un personnage. Les autres sont nés de rencontres avec des lieux divers, des maisons de vacances… Pour cette exposition, j’ai réalisé des croquis préparatoires assez poussés, comme une forme de commande que je me serais passée à moi-même. En passant ensuite par le dessin petit format, je sais parfaitement quel effet je vais rendre, avec telle vue, telle perspective, quels personnages seront présents ; chacun des éléments étant toujours exécuté plusieurs fois. Et on retrouve, une fois stabilisé sur petit format, un véritable plaisir en réalisant la toile.
Le dessin garde donc une part importante ?
C’est effectivement l’essentiel de mon travail ; pour en revenir fondamentalement à ma pratique, il s’agit vraiment d’être assis à un bureau, d’écouter de la musique et de faire des dessins avec un stylo. C’est ma pratique quotidienne. Chaque nouvelle technique de peinture réveille une nouvelle sensation, un nouveau genre de plaisir et retrouver celui, primaire, de tracer simplement quelque chose. À l’occasion de projets ou d’expositions comme c’est le cas ici, je saisis l’opportunité de revenir à ce type de format tableau.
On retrouve dans vos dessins la composition par strates.
Je pense que c’est l’influence du procédé d’imprimerie : en général, les couleurs arrivent en premier, se superposent couches après couches, puis le noir vient au final renforcer et contraster l’ensemble. En peinture, c’est l’inverse alors autant l’assumer sur cette série, où l’on observe du trait de dessin, du trait gratté et de la couleur ajoutée par-dessus.
Ceci explique peut-être cela. Les images qu’il prend et qu’il utilise comme sources et matériaux des œuvres à venir révèlent ses obsessions formelles : toits anguleux, architectures modernes, paysages ruraux et péri-urbains reviennent en boucle. Pierre Seinturier shoote à l’ancienne, en argentique, range ses tirages noir et blanc et couleur par ordre chronologique dans des classeurs numérotés. Sa pratique de la photographie nourrit et influence sa peinture.
Nabis Lazuli avec la galerie le 31/03/2021
Pierre Seinturier : The Little House they used to Live in -> 10/04/2021
Galerie G-P & N Vallois 33/36, rue de Seine 75006 Paris