Altin Gün envoie “Yol”, le futur s'affiche anatolian électro (et psyché)

A l’écoute du troisième album d’Altin Gün, on peut se souvenir du film éponyme d’Yilmaz Güney (La Permission), au cours duquel cinq prisonniers connaissent des aventures diverses lors d’une sortie de quelques heures de leur geôle. Si c’est la vision de l’année confino-covidée, c’est assez troublant, mais ça fonctionne plutôt bien à tracer une piste électro-pop 80’s en brodant sur des canevas psyché-anatoliens.

Altin Gün revient avec un superbe album qui élargit son exploration du rock anatolien et du psyché turque avec des excursions synth-pop 80s rêveuses. Le groupe d’Amsterdam s’est bâti une solide réputation pour son habileté à mélanger passé et présent pour concevoir un son pop psychédélique des plus brillants. Yol ("Route"), son troisième album dévoile une nouvelle palette sonore riche en surprises. Bien qu’il puise dans les traditions riches et diverses de la musique folklorique anatolienne et turque, Yol n’est pas seulement un disque qui restaure les musiques traditionnelles pour un public contemporain; mais un de ceux qui jouent du shaker avec les formes pour leur faire dire autre chose.

Yol présente un son texturé et avant-pop, à l’image du premier single "Ordunun Dereleri". Mystérieux et atmosphérique, le morceau marque l’évolution du groupe, entraînant l’auditeur dans un monde sonore qui résonne aux rythmes des beats électro down-tempo et des synthés majestueux. Cet album a connu une approche différente des deux premiers pour sa conception et son enregistrement, chaque membre étant coincé à la maison pendant trois mois et devait ajouter /superposer ses propres parties à distance.

Yol affiche un ton et un son rêveurs, peut-être né de ce temps forcé à l’introspection. On y trouve également des éléments synth-pop des années 80. Ce nouveau paysage musical a été nourri par les choix d’instruments, à savoir l’Omnichord ainsi que la boite à rythme. Si Yol est encore un effort collectif de la part des six membres, le disque doit aussi beaucoup à son équipe de production, Asa Moto (duo de producteur basé à Ghent composé d’Oliver Geerts et de Gilles Noë) qui a mixé l’album. C’est une première pour Altin Gün qui enregistrait toujours sur bandes avec son propre ingénieur du son. On retrouve la veine psyché anatolienne groovy, mais on découvre également des influences brésiliennes, du reggae cosmique et des grooves disco. Avec Yol, Altin Gün a encore avancé dans sa démarche de réimagination et de recherche sonore !

Et, pour les sourds d’oreille, il évoque, en l’éludant, la Turquie du crétin poussif, dictateur au petit pied qui plante son pays en le faisant reculer dans l’obscurité islamisante, quand c’était devenu dans les années 20 du siècle dernier le premier pays oriental laïc… Mais les dirigeants du monde prenant tous leurs citoyens pour des enfants à éduquer, le rêve proposé fera l’affaire.

Jean-Pierre Simard le 1/03/2021
Altin Gün - Yol - Glitterbeat

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