Cuba côté campagne, une vision méconnue de l'île par Richard Sharum
Si les aficionados connaissent l’art, le cinéma et la musique de Cuba, son long embargo l’a réduite à nombre de clichés que Richard Sharum s’empresse avec son livre de démolir haut la main. Quand le classique noir et blanc s’intéresse au sauvage passage du temps et des illusions perdues avec Campesino Cuba.
Le sort de Cuba est proche de la psyché occidentale. Fidel Castro, La Havane, les vieilles voitures, l'embargo, le tabac et le communisme font tous partie intégrante de l'histoire américaine. Seulement 90 miles séparent l'Amérique de Cuba, mais à part les clichés culturels mentionnés ci-dessus (tous liés à La Havane), on ne sait pas grand chose du reste de l'île. Avec son livre à paraître, Campesino Cuba, Richard Sharum se propose de documenter la majorité sous-représentée de Cuba.
Sharum a grandi à Corpus Christi, au Texas, une ville qui avait été classée par Cuba comme une cible potentielle lors de la crise des missiles. Ayant été élevé dans un foyer et un quartier multiethnique, ses premières expériences ont cultivé l'empathie pour les sous-représentés, une vertu qui est devenue un guide pour sa pratique photographique. En 2016, Sharum a commencé à voyager à Cuba pour commencer le travail qui allait devenir Campesino Cuba.
Son intérêt pour la documentation du mode de vie des paysans - que l'on peut traduire en gros par "paysan" - survient à une époque de changement social dans la campagne cubaine. Informée par Internet, une jeune génération de campesinos laisse derrière elle des traditions séculaires pour attirer la modernité et les opportunités financières que l'on trouve dans les centres urbains. La majorité de l'île étant rurale, le mode de vie paysan a toujours été l'épine dorsale de la culture cubaine. Dans Campesinos Cuba, Sharum documente un groupe sur le point de changer.
Ne se laissant pas décourager par son incapacité à parler espagnol, Sharum s'est retrouvé dans les montagnes de la Sierra Maestra, au sud-est de Cuba. Comme le reste de l'île, cette région a connu peu d'évolution dans les pratiques agricoles et les infrastructures depuis les années 1950. Les maisons sont de simple construction en bois et les sols sont souvent en terre. Les fenêtres n'ont pas de vitres et les entrées de portes n'ont pas de portes. Les routes sont en terre et peuvent rapidement se transformer en boue. Le lavage se fait dans les rivières et les vêtements sont suspendus pour sécher sur des cordes à linge rustiques tendues dans des cours de terre. Bien que la vie soit simple et le travail difficile, Sharum a trouvé les gens heureux, chaleureux et accueillants. Sous le régime communiste, l'éducation est gratuite, les soins de santé sont un droit fondamental et les droits des paysans sur leurs terres et leurs récoltes sont bien protégés.
Dans le paysan cubain, les hommes et les femmes travaillent sur des terrains montagneux avec de simples outils manuels, cultivant et récoltant le tabac, le manioc, le maïs, le poisson, les pommes de terre, le café et la canne à sucre. Lorsqu'ils ne sont pas dans les champs, les gens se reposent à l'ombre, font des courses en ville, se rendent à la rivière pour se baigner, préparent des repas ensemble, vont à l'école. Le soleil chaud et humide des Caraïbes brille au-dessus de nos têtes, ne cédant jamais le pas aux pluies tropicales qui arrosent les champs et emportent la poussière des montagnes. Dans un essai du livre décrivant l'histoire et la situation critique du peuple paysan, l'écrivain cubain Domingo Cuza Pedrera note que "personne ne dépend plus de la nature, ni n'a autant peur de ses excès, que le paysan". Les photographies intimes de Sharum sur les gens au repos et au travail dans la campagne cubaine font écho à ce sentiment.
Le premier livre de Sharum est le témoignage d'un mode de vie en voie de disparition, reconstitué au travers des rythmes quotidiens des paysans, et enrichi par un certain nombre d'entretiens avec les personnes qu'il a rencontrées sur son chemin. Ce livre est à sortir au printemps 2021 chez Gost.
L’Autre Quotidien, d’après Justin Herfst, le 18/02/2021
Richard Sharum - Campesino Cuba - Gost Books -printemps 2021