Four & More, le jeudi qui tourne en quatre et plus

Madlib plutôt free mais pop, Emeka Ogboh électro/ethno, Airelle Besson, flûte c’est du jazz, Ron Geesin en précurseur 60’s et Calvin Keys bop funky, notre lancer du jour qui jamais n’abolira le destin musical. Envoi !

Madlib et Four Tet

Madlib et Four Tet

Madlib et Four Tet viennent de sortir leur album commun, Sound Ancestors. Un opus de 16 titres qui exhibe le talent conjugué de ses deux légendes de la production et bricoleurs de génie, l’un plutôt hip-hop et l’autre dans la musique électronique. On s’aperçoit que Madlib a produit tous les titres, tandis que Four Tet est présent à l’édition, à l’arrangement et au mastering. Ainsi Four Tet a en quelque sorte aidé Madlib à faire le tri dans son foisonnement créatif pour en tirer la substantifique moelle et réaliser ainsi le premier véritable album solo du producteur californien.

Four Tet explique que Sound Ancestors est composé de centaines d’idées musicales de Madlib, intégrées dans un seul disque. "Le but, c’était de transformer ses idées non comme des instrumentaux que des artistes vocaux, rappeurs ou chanteurs peuvent utiliser mais vraiment de les arranger pour qu’elles se lient entre elles dans un ensemble qui peut s’écouter du début à la fin. Je lui ai expliqué ce que j’avais en tête pendant qu’on mangeait ensemble un bon repas un jour, et nous avons décidé de collaborer à ce moment-là. Il m’envoyait des boucles, des idées, des expérimentations et je les arrangeais, les déstructurais, les manipulais pour finalement les imbriquer. Il m’a envoyé des centaines de petites pièces de musique durant quelques années et, pendant tout ce temps-là, je composais cet album, petit à petit, en apportant ma vision."

Si, comme nous, vous aimez autant le free-jazz que la bonne pop de partout, cet exigeant est pour vous.

Le très Berlinois club Barghain transformé, pendant la pandémie, en galerie d’art expose des pièces d’Emeka Ogboh, dont Ayilara, tiré de son dernier album Beyond the Yellow Haze. Sa particularité : l’album s'intéresse aux changements rapides et à l'urbanisation de lLagos, souvent citée comme l'une des villes à la croissance la plus rapide au monde. Ogboh y a capturé les sons de cette croissance - un impressionnant vacarme de klaxons, de bavardages et de bruits ambiants - et les étaye avec des rythmes électroniques ondulants. Et le BArghain a tellement été impressionné par l’œuvre qu’ils lui ont proposé de la sortir sur le label interne reservé aux musiques expérimentales, A-TON. Emeka Ogboh n’est pas le seul à pratiquer de la sorte, mais le dépioiement des titres qui permet d’entendre l’évolution de la ville en mouvement est assez exptionnel pour êytre signalé. Voyage autour de ma chambre - et bye bye COVID !

Après Radio One, en 2015, qui saisissait la complicité du quatuor d’Airelle Besson, l’idée d’une suite était évidente. Mais pandémie aidant, c’est dans l’urgence que Try a été conçu. Le résultat est à l’image du processus : ouvert, spontané, intensément présent. Là où Radio One était écrit et structuré, TRY! offre une forme moins bordée, plus souple et mouvante. Le son du quartet en sort renforcé, dès les premières notes, la signature de groupe est évidente, son identité affirmée. Le plaisir des musiciens est palpable car, après cinq ans de concerts, chacun a trouvé sa place, s’écoute, se tait pour mieux s’accorder et se retrouver. Benjamin Moussay donne le ton, atmosphérique et vaporeux. Puissante et entière, la voix d’Isabel Sörling rejoint la douceur du jeu d’Airelle Besson dans un pas de deux à la sensibilité à fleur de peau. D’une délicatesse absolue, Fabrice Moreau magnifie l’ensemble. Avec ces 11 titres, TRY ! dessine des volutes entre ombre et lumière, chaud et froid, invite à un voyage aérien et sensuel. Organique et vivant, cet album envoûtant vous accompagnera longtemps.

Ron Geesin n’a rien à voir avec Brion Gysin mais plus avec la recherche musicale en solo des 60’s. On le connaît plus pour sa participation au Atom Earth Mother du Floyd et sa collaboration avec Roger Waters sur Music From the Body que pour son travail perso, mais son premier album de 1967 fait signe encore aujourd’hui pour son approche multi-facettes du son avec A Raise of Eyebrows dont les notes de pochette affirmaient : Ron Geesin fait une musique qui n'est pas comme les autres. Il utilise des mots, des sons, de la musique, de l'électronique et d'autres personnes, en fait tout ce qui est à portée de main. Ron Geesin est une expérience nouvelle et surprenante. Ron Geesin ne rentre dans aucune catégorie existante ni dans un casier propre. Lui et ses créations sonores sont de l'année prochaine, pas de cela. Ron Geesin a une voix forte avec un accent écossais. De nombreuses compositions de Ron Geesin sont improvisées. La plupart des gens ne savent pas quoi faire de Ron Geesin. Certains sont désorientés, d'autres excités. Ron Geesin vous intrigue et vous fait participer". En 2021, pas un mot à changer. Ecoutez plutôt … 

Shawn-Neeq, du guitariste Calvin Keys, est son premier album comme leader en 1971 pour le label Black Jazz qui démarrait cette même année. Keys s'est fait remarquer au début des 60’s avec les saxophonistes Eddie "Cleanhead" Vinson et Preston Love. Son blues et son bop endiablés lui ont valu d'être le premier à se produire avec les principaux organistes de soul jazz de l'époque, comme Jimmy Smith, Jimmy McGriff, Brother Jack McDuff et Richard "Groove" Holmes.

Shawn-Neeq est sorti la même année que deux autres futurs classiques de Black Jazz : Infant Eyes de Doug Carn et Coral Keys de Walter Bishop, Jr. Le pboss, Gene Russell, a donné au guitariste la liberté d'engager ses propres sidemen. Plutôt que de choisir un organiste comme accompagnateur, il a misé sur une section rythmique composée du pianiste Larry Nash (L.A. Express), du bassiste Lawrence Evans et du batteur Bob Braye. Le flûtiste et clarinettiste basse Owen Marshall apparaît également sur plusieurs morceaux. Et, suivant la révolution funky de Miles de 1969, on assiste à un passage du bop au funk comme témoin historique de la musique en train de se faire/jouer/ inventer. Un son qui emprunte Sly Stone et en fait, un demi-siècle après sa première sortie, un exemple majeur du jazz-funk 70’s créatif et féroce. Olé !

Jean-Pierre Simard le 11/02/2021
Madlib - Sound Ancestors - Madlib Invazion

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Emeka Ogboh - Beyond the Yellow Haze - A-TON

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Airelle Besson - Try! - Papillon Jaune / L’Autre Distribution

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Ron Geesin - A Raise of Eyebrows - Polydor Japan

Calvin Keys - Shawn-Neeq - Black Jazz

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