Vers la liberté avec Nightmares on Wax, cours de rattrapage

George Evelyn de Nightmares on Wax est l'un des personnages les plus intéressants de la musique britannique. Avec un savant dosage de franchise du Yorkshire, d'arrogance hip-hop et de rêves cosmiques, il a rempli ses albums de collages, de beats languissants et de grooves soul, alliant le poids du soundsystem à une inventivité sans faille depuis plus de trois décennies. Exemple avec un Boiler Room ci dessous.

Depuis que le son de N.O.W. a atteint sa vitesse de croisière sur son deuxième album, Smoker's Delight en 1995, George Evelyn a été comme une rivière lente et profonde qui serpente dans le paysage musical : parfois plus vive, parfois stagnant un peu, mais toujours traçant son propre chemin sans avoir besoin de changer ou de dévier pour quoi que ce soit de sa ligne de conduite. Sur ce neuvième album, tous les éléments clés sont là. Il y a les arrangements de cordes soul psychédéliques des années 70 et le jeu de piano liquide de Robin Taylor Firth sur le magnifique "Imagineering". Il y a des morceaux qui se délectent du pur plaisir de hacher et filtrer un échantillon funk - "Miami80" et "Widyabad" étant les exercices les plus purs ici. Il y a des voix soul aussi délicates dans leur livraison quemilitantes dans leur intention et leur contenu : Haile Supreme de Brooklyn, en particulier, bénit un certain nombre de morceaux avec une telle assurance que vous serez convaincu qu'il est effectivement, comme on le prétend, un "conduit de techniques vocales anciennes" et un "showman chamanique".

Mieux encore, ces éléments s'entremêlent fréquemment pour créer des textures trompeuses, luxuriantes et complexes. Peut-être est-ce dû au fait de s’être libéré des exigences des soundsystems des clubs et des festivals ; mais, à part les habituelles racines de "Breathe In", on croise moins de house et de reggae ici que sur l'album précédent : Shape the Future - bien qu'il reste une touche de rocksteady à sur "Creator SOS" et "Wikid Satellites", et bien sûr beaucoup d'écho dub partout. On débouche enfin sur une apesanteur et une légèreté de rêve volant surune grande partie de l'album, avec une liberté dans les arrangements qui fait parfois penser au Don Cherry (Brown Rice), en mode utopique début 70.

Cette complexité est des plus radieuse sur "3D Warrior" et "Wonder", lorsque les anches de Shabaka Hutchings s'enroulent comme des rubans dans la brise autour des voix des chanteurs. Un bémol, sur les tirades de Greentea Peng sur la fluoration de l'eau sur "Wikid Satellites" - qui tombe un peu à côté du son de l’ensemble. Mais ce n'est qu'un petit bémol dans un album, par ailleurs extraordinaire, qui se livre à nous différemment, au fil de chaque nouvelle écoute. L’aimer jusqu’à l’usure, tel est le propos… 

Jean-Pierre Simard le 4/11/2021
Nightmares on Wax - Shout Out !  To Freedom… - WARP