Je, tu, ils Souffle(nt) Continu : Portal et Curson se font rééditer en pochette carton

Avec deux ressorties issues de chez Futura qui avaient marqué leur temps : le Alors !!! de Portal et le Pop Wine de Ted Curson. Au programme, un quintet et un quatuor qui jouent entre free débridé et déménageur et, funk et autres, du début 70’s pour le second. Que du bon !

Et si le chaînon manquant entre Eric Dolphy et Albert Ayler était le Michel Portal de 1970 ? Après avoir travaillé au côté de François Tusques à la défense d’un free jazz made in France, le voilà à la barre d’un quintette international dont chacun des membres est une promesse de feu : John Surman, Barre Phillips, Stu Martin et Jean-Pierre Drouet. Le quintette a les coudées franches et, d’emportements free en grandes plages climatiques, compose Alors!!! après lequel l’auditeur n’a plus qu’un mot : Encore !
Pour ceux qui ne liraient pas les infos, le même à 85 ans va recevoir/ a reçu le prix de l’album de l’année 2021 pour MP85 aux Victoires du Jazz. Et Alors!!! ?

Et bien voilà ce qu’il en disait à l’époque :« Il y a des époques d’insolence », déclare le musicien et, à elle seule, l’année 1970 en est une. A la tête d’une Internationale de l’Impétueux – dans le quintette c’est John Surman (saxophones, clarinette basse), Barre Phillips (contrebasse), Stu Martin (batterie) et Jean-Pierre Drouet (percussions) –, Portal passe de saxophone alto en clarinette basse sur des compositions qu’il partage avec ses partenaires.

Dès l’ouverture, la formation met le feu aux poudres au son d’un « OO Bam Ba Deep » malmené par les vents et les percussions. Ce seront ensuite le free jazz fabuleux de « Yes, Oh Yes, You Wonderous Sun Kissed Maiden! » et la marche aussi fantasque que déboîtée de « Ça Boom ? » qui agiteront les musiciens dans tous les sens. Pour permettre à son public de reprendre sa respiration, le quintet a tout prévu : « Billie the Kid » et « Undercurrent », merveilleux moments de mystère climatique. 

Audacieux d’un bout à l’autre, jusque sur sa pochette – l’homme-oiseau dessiné par Avoine, et son cerveau-quintet –, ce disque est un objet fabuleux à qui le label Futura a su, en son temps, donner des ailes. Et puisqu’on le réédite aujourd’hui, il ne nous reste qu’un mot à dire : Alors!!!

Natif de Philadelphie, arrivé à New York sur l’invitation de Miles Davis, jouant à Antibes en 1960 avec Charles Mingus et Eric Dolphy, le trompettiste Ted Curson débarque , en 1971… à Paris. A ses côtés, un trio de légende : Georges Arvanitas (piano), Jacky Samson (contrebasse) et Charles Saudrais (batterie). Une nouvelle alliance transatlantique au service du jazz, ou plutôt des jazz : classique, modal, fusion et même free… Pop Wine, c’est – entre Coltrane et Miles sans oublier ces clins d’œil au Caveau de la Huchette – un cocktail explosif et sans tache.

En 1960, le trompettiste Ted Curson jouait avec Charles Mingus et Eric Dolphy sur la scène du festival de jazz d’Antibes. Onze ans plus tard, le voici à Paris, où il enregistre Pop Wine, l’une des perles de sa discographie, avec un trio de frenchies remonté : Georges Arvanitas (piano), Jacky Samson (contrebasse) et Charles Saudrais (batterie).  

Arvanitas a alors, lui aussi, pas mal voyagé. Originaire de Marseille, il a accompagné à Paris quelques Américains de passage avant de s’installer aux Etats-Unis. C’est à son retour qu’il forme avec Samson et Saudrais ce trio charismatique qui enregistre en 1970 pour Futura l’inoubliable In Concert et donc, l’année suivante, Pop Wine avec Ted Curson.

Pop Wine : ne craignez pas d’entendre ici des jazzmen s’essayer à la pop sous l’influence d’une consommation de rouge trop prononcée. Car s’il lorgne de temps à autre du côté de la fusion, l’enregistrement est bel et bien un fabuleux disque de jazz, un disque qui pétille au point que la tête vous tourne bientôt…

Cinq titres se succèdent : Quartier Latin et ses allures d’Olé Coltrane (comme le saxophoniste, Curson est originaire de Philadelphie), Flip Top où la trompette et le piano entament une course-poursuite dans les rues de Paris, Pop Wine où le funk et le cool s’épousent sur des barricades de noires et de blanches, L.S.D. Takes A Holiday dont les éclats n’ont rien à envier à ceux du free, et enfin Lonely One, impression qui clôt ce disque inclassable. Inclassable, à moins qu’on aille jusqu’à élever Pop Wine au rang de grand cru. Et ce fut une des meilleures ventes du label au fil du temps.

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Pour rappeler le contexte historique des 60’s, les jazzeux n’avaient que deux solutions pour becqueter : soit ils cachetonnaient dans la variée comme Lubat chez Claude François ou Arvanitas chez Aznavour, soit, comme Portal, ils faisaient dans le classique ou le contemporain. 1968 avait changé la donne avec l’exil des Américains en Europe et la création de labels aventureux comme Byg ou Futura, puis Futura Marge qui, loin des seuils de rentabilité programmées des majors se mettaient à l’écoute des nouveaux sons dici et d’ailleurs en sortant des disques réputés invendables ailleurs trouvaient leur public synchro avec l’époque à mettre en avant le jazz contemporain, le free jazz et les musiques improvisées européennes. Portal jouait du free depuis 1965 et Curson s’avouait sans limite de style à flirter avec ce qui allait devenir le spiritual jazz. Deux jalons du moment. Et quels jalons !

Jean-Pierre Simard le 6/10/2021.

Michel Portal, John Surman, Barre Phillips, Stu Martin et Jean-Pierre Drouet - Alors !!! - Souffle Continu
Ted Curson , Georges Arvanitas, Jacky SAmson et Charles Saudrais - Pop Wine - Souffle Continu

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