Les fulgurances scripturales du Testament de “la fille morte” de Colette Thomas

Décrite ainsi par Antonin Artaud : “C’est le plus grand être de théâtre que la terre qui ne s’en fout pas mais en a peur ait eue, à voir sur ses propres vagues trembler de fureur, de fièvre, d’animosité ” ; Colette Thomas est l’autrice de ce seul titre paru en 1957 sous le pseudo de René. Amie/amante du poète, elle fut l’élève de Louis Jouvet et l’épouse d’Henri Thomas. La Fille morte ressort chez Prairial. Choc !

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Colette Thomas, qui a publié ce livre en 1954 sous le pseudonyme de René, a subi l'influence d'Antonin Artaud, avec qui elle a échangé une correspondance que l'on trouve dans le tome XIV des Œuvres complètes. Le Testament de la fille morte, livre unique, a été très remarqué et vient encore récemment d'être commenté dans le numéro de la revue Obliques consacré à la Femme surréaliste.

De la double confrontation de l'amour et de l'être est né ce long cri passionné, entrecoupé de maximes fulgurantes, ce testament d'une fille morte aux vanités du monde et qui ne cherche plus que l'essentiel de l'homme. Qu'on ne s'y trompe pas : il ne s'agit pas ici d'une contemplation morbide, mais d'un acte d'espoir. "Quand l'amour est passé, quand la mort est passée – vivre enfin."»

Nous savons qui est René. C'est Colette Gibert, la première femme d'Henri Thomas. Jeune comédienne, elle alla visiter Antonin Artaud, à Rodez, en 1946. Leurs relations, " le contraire de l'amour courtois, un vampirisme sans amour ", selon Michel Camus, revivent, épurées, dans les maximes et les litanies du Testament. Colette Thomas disparut ensuite pour toujours, et, si elle vit encore, cloîtrée quelque part, elle n'a plus jamais consenti à donner de ses nouvelles à quiconque. Artaud parla de son " épouvantable lucidité ". Celle-ci, qui l'a emmurée vive, attribue à ses formules un cruel pouvoir d'envoûtement.

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" Aimer, c'est haïr les autres. Faire l'amour, c'est les trahir. "
" L'Être de la femme connaît la mort, et son devenir connaît la vie. "

Ces aphorismes, parmi tant d'autres, distribués dans les cinq parties du Testament, aideront à évaluer la hauteur d'une tentative qui congédie froidement la " littérature ". Il s'agit d'aller sur l'autre versant du langage, vers le silence, en se retournant, une dernière fois, pour nous faire signe. On trouve des injonctions aussi pressantes chez Guénon et Joe Bousquet, mais ce " testament de la voyance " se veut " total et absolu, sans rémission ".

En sachant que la postface est signée Pacôme Thiellement, si vous vous l’offrez, commencez par la fin … La claque littéraire de la rentrée qui parle/écrit sans fards et y manifeste les mêmes fulgurances qu’Artaud à suivre la voie mystique pour parler de la vie et des ses possibles dépassements. A ceci près qu’elle le fait en version féministe. Tiendrait-on là la première Sainte Colette d’Avila ?

Albert Cenci le 5/10/2021
Colette Thomas - Le testament de la fille morte - éditions Prairial