Afel Bocoum Balance un message de paix dansant au Mali

Eu égard aux changements politiques de l’Afrique de l’Ouest et aux vagues d’attentats islamistes de la région, Afel Bocoum sort son nouvel album “Lindé”, en parlant de solidarité pour lutter contre famine, fanatisme et guerres épisodiques. Le message d’espoir est sacrément consistant, avec une production signée Damon Albarn et Nick Gold.

Guitariste et chanteur originaire du nord du Mali, à Niafunké, comme son oncle et mentor Ali Farka Touré, Afel Bocoum est un des grands bluesmen/compositeurs des bords du fleuve Niger qui a suivi ( et participé à) l’évolution de la musique africaine depuis la fin du XXe siècle et le mix ancient/moderne auquel il a donné lieu, attirant de nombreux musiciens européens sur place pour innover et faire évoluer le son. A la suite des efforts du Salif Keita des années 80, une nouvelle tradition de modernité s’est instaurée sur place, attirant même Martin Scorsese pour y signaler les racines du blues moderne (The Blues 2003), en mettant l’accent sur l’entourage d’Ali Farka Touré dans le réjouissant volume consacré au Mali.

Mais cela, c’était avant. Avant que la pauvreté et le fanatisme ne commencent à dégommer ce qui faisait l’unité du pays (et de la région) en montant les groupes ethniques les uns contre les autre pour s’assurer de nouvelles zones d’influences. Et dans le merdier ambiant, Afel Bocoum, réfugié à Bamako avant le coup d’état ne peut que délivrer un message de paix, d’entente et de solidarité, dernières valeurs possibles dans une région qui n’a presque plus rien. IL a d’ailleurs beaucoup travaillé en ligne, en échangeant esquisses et pistes finales avec ses producteurs sur l’écran de son ordinateur… 

Contre l’uniforme poussiéreux de l’islamisme furibard, le discours multi-ethnique et de la musique multiforme pour lutter contre l’uniformité de la pensée. Suggérer plutôt que dézinguer. Balancer un message de paix dansant dans un pays qui règle ses comptes à coup d’attentats en réaffirmant la culture comme valeur contre l’ignorance et le rance des flingueurs. Pour ce faire, on y entend aussi bien les tambours du regretté Tony Allen, le trombone reggae de Vin Gordon (Bob Marley / Skatellites) ou le violon de Joan As Police Woman. La voix inimitable de Bocoum chante la paix, danse et plane sur les guitares de Mamadou Kelly, Oumar Konaté, Lamine Soumano ou de Garba Touré du groupe Songhoy Blues, sur le kamale n’goni de Harouna Samaké et la kora de Madou Sidiki Diabaté (frère de Toumani Diabaté), du n’goni ba ou "grand luth" de Yaya Dram ou de la calebasse du défunt grand "Hama" Alpha Ousmane Sankaré. L'album est une célébration de la diversité du pays et de son sens de l’unité et de la tolérance jadis célèbres dans le "Virage du Delta" et, d’après Damon Albarn : « La voix d’Afel est l'un des trésors du Mali, et ce disque est un cadeau pour nous tous. » 

La semaine passée, Bocoum déclarait au micro de FIP : “ Nous devons nous rencontrer les uns les autres, nous parler et regarder chacun dans les yeux en nous disant la vérité. Si nous ne nous unissons pas, je ne vois pas de solution. Notre assurance sociale c’est la musique. C’est tout ce qu’il nous reste.”

Dire la paix, penser global en le manifestant dans ses œuvres, c’est autre chose que d’entendre parler d’ensauvagement par des crétins qui vient la paille dans le nez en organisant la répression du vivant. Grand disque, superbe voix - et si vous ne dansez pas sur certains titres, posez-vous la question de savoir pourquoi … 

Jean-Pierre Simard le 7/09/2020
Afel Bocoum - Lindé - World Circuit

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