Les défunts Keinholtz s'invitent chez Templon et ça claque

Réouverture automnale de la galerie Templon avec un couple de poids lourds de l’art contemporain US, Nancy et Edward Keinholz, dynamiteurs de mythes et empêcheurs d’arter en rond. Les deux sont morts, mais l’œuvre perdure qui s’offre ici en vingt témoignages aussi glaçants d’actualité que revivifiants pour sa démolition symbolique de l’Amérikkke.

Edward and Nancy Reddin Kienholz, Drawing for the Caddy Court 1986 Coyote head, deer heads, black bear head and mixed media. 221 x 221 x 78,7 cm, 87 x 87 x 31 inches Installation view, ‘Edward & Nancy Reddin Kienholz, A Selection of Works from the Betty and Monte Factor Family Collection’, Sprüth Magers, Berlin, January 27 – April 8, 2017. Photography by: Timo Ohler

Edward and Nancy Reddin Kienholz, Drawing for the Caddy Court 1986
Coyote head, deer heads, black bear head and mixed media. 221 x 221 x 78,7 cm, 87 x 87 x 31 inches
Installation view, ‘Edward & Nancy Reddin Kienholz, A Selection of Works from the Betty and Monte Factor Family Collection’, Sprüth Magers, Berlin, January 27 – April 8, 2017. Photography by: Timo Ohler

Cette exposition présente une vingtaine d’œuvres, dont certaines montrées pour la première fois en Europe, toutes créées entre 1978 et 1994. Installations grandeur-nature, tableaux tridimensionnels ou assemblages d’objets du quotidien, leur travail dépasse les frontières de la sculpture et dessine un univers dérangeant, entre fascination et répulsion. Loin du ready-made ou du pop art traditionnel, leurs étranges scènes mêlent sculptures d’êtres humains et objets manufacturés dans un réalisme ambigu et mystérieux. L’objectif est une dénonciation virulente des travers de la société américaine : outrance consumériste, racisme ordinaire, sexisme, violence institutionnelle, hypocrisie religieuse.

Chez eux, l’engagement passe par le choc visuel, et une dénonciation, certes déterminée, mais toujours subtile et élusive. Si certaines œuvres témoignent d’une rage sourde, d’autres moins didactiques, laissent au spectateur une grande liberté d’interprétation. La série des JC par exemple, mystérieux crucifix de bric et de broc, laisse perplexe, à laisser planer le doute entre dévotion chrétienne dans un monde désabusé ou critique de la bigoterie et du pouvoir religieux.

Edward and Nancy Reddin Kienholz, JC

Edward and Nancy Reddin Kienholz, JC

Vingt-six ans après la disparition d’Ed Kienholz et un an après celle de Nancy, cette exposition chez Templon, qui représente désormais l’œuvre du duo en Europe, démontre plus que jamais la complexité d’artistes aujourd’hui historiques, mais dont la démarche souvent à contre-courant des mouvements de leur époque, avait fait des visionnaires. On note la bien-pensance du galeriste qui évite de dire que leur art dérange toujours. Ce qui nous importe le plus ici. Pas vous ?

Et cela rappelle la muséologie selon Bourdieu, comme phénomène d’exclusion - ceux qui peuvent s’y reconnaître kiffent quand les autres sont paumés et exclus. On dira qu’ici, l’écart se réduit quelque peu à démonter le symbolique pour en faire, comme la sociologie, un sport de combat…

Jean-Pierre Simard le 3/09/2020
Edward & Nancy Kienholz 5/09 → 31/10/2020
Galerie Templon 30, rue Beaubourg/ 28, rue du Grenier Saint-Lazare 75003 Paris

Edward and Nancy Reddin Kienholz, Jody, Jody, Jody 1994

Edward and Nancy Reddin Kienholz, Jody, Jody, Jody 1994