Fakear promet de tout faire repousser, on accepte son augure

Badinguet a encore choisi un Premier sinistre qui fleure bon bon le rance et le technocrate à crâne plus ou moins garni. Comme une sensation de vomi qui monte sans jamais vraiment gerber …  Luttons ! Et Fakear avec ses envolées sylvestres et son down tempo synthétique et gracieux, permet de respirer un peu pour éviter trop de de taches sur le tapis… Everything Will Grow Again!

Où l’on retrouve chez la critique étrangère (qui a bien oublié les pionniers de Deep Forrest) , cette volonté de faire des phrases, comme les marins chez Audiard… et d’affirmer de façon péremptoire que Théo Le Vigoureux contribue à installer le sous-genre naissant de “la techno forestière”. Faut vous calmer les gars et sortir un peu des nouveautés qui vous préoccupent uniquement- car là, c’est trop facile pour être honnête/vrai/plausible, c’est beau comme du Lallemant ! - donc à oublier de suite en regardant où on met les pieds pour ne pas avoir à changer de chaussure de suite - pour l’odeur.
Annoncé il y a déjà plusieurs mois, cet album en a fait saliver plus d’un durant le confinement. En plus, Fakear envoyait un nouveau titre chaque mois. Il a commencé avec “Carrie”, un titre en collaboration avec Alex Metric, d’une douceur remarquable. Est ensuite arrivé un de ses morceaux préférés, “Taldo”, plus house et club. Et le 3ème morceau dévoilé a été “Sekoia”, plus calme et renouant presque avec les origines du producteur. Mais sa révolution est en route.

Théo Fakear vient donc de sortir son troisième album électronique et fortement texturé - Everything Will Grow Again - tout chargé de cordes et de flûtes. Tout n’y fonctionne pas à merveille, mais l’ensemble fait mieux que tenir la route malgré des passages avec des choses qui sonnent ou qui sont arrachées de toutes les directions pendant que les cordes s'emballent. Son emploi renouvelé de flûte, harpes, carillons, cordes, kalimbas et tant d'autres, tous ces instruments organiques (avec prédominance des styles non occidentaux) sont vraiment la vedette du spectacle, avec des synthés bouillonnant en arrière-plan, découpant des paysages sonores qui fleurent bon l’évasion et le déconfinement. On sait bien que Fakear est capable de tirer de ces éléments de grands moments assez efficaces dans les festivals, à l'instar d'artistes mid-tempo émotifs comme Porter Robinson ou son compatriote Madeon, et décrire Fakear comme une version plus croustillante du travail de ces deux-là vient assez facilement à l’esprit.
C'est peut-être un peu artificiel, pet certains moments poussés d'euphorie ensoleillée sont définitivement hors de propos (la flûte implacable de "Sekoia"), mais le plus souvent, tout se tient (le magnifique crescendo de cordes pincées de "Together" par exemple), et la vision globale de Le Vigoureux de la gloire alpine extatique est assez forte pour emporter son propos. C'est une musique sur laquelle on peut grignoter son Granola pendant une pause dans sa randonnée, et si vous vous êtes promené sur les chemins tachetés du récent Sixteen Oceans de Four Tet ces derniers temps, mais que vous cherchez quelque chose de plus grand que la vallée, Everything Will Grow Again semble la voie à suivre. Parce que c’est un album engagé. (‘tout repoussera à nouveau’.) où Fakear met en avant ses engagements environnementaux, comme il avait pu le faire avec La Fine Equipe, sur le titre “5th season”. Et comme promis, on vit un voyage à travers sa musique. Un coup d’envoi marquant une nouvelle direction et une affirmation de soi dans le monde. Bizarre comme ça change des politiques marketeurs en place - et en plastique.

Jean-Pierre Simard le 7/07/2020
Fakear - Everything Will Grow Again - Universal Music France

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