Badass, la BD jeunesse retrouve Ground Control
Quelques jours avant le confinement de mars, Ground Control proposait une superbe exposition, conçue par l’équipe de Lyon BD, le festival bien connu du neuvième art. Intitulée Badass, elle proposait une incursion acérée et fort bienvenue dans un changement en cours des représentations féminines. Retour annoncé en détails.
Même si elle n’est pas encore démontée, épidémie oblige, l’exposition n’est plus accessible au public. Toutefois, comme la terrasse de Ground Control a pu réouvrir ce vendredi 5 juin, et que la librairie Charybde y aura aussi sa place à partir de ce mercredi 10 juin, en attendant une réouverture complète de notre magnifique tiers lieu, nous vous en proposons quelques vues et quelques textes d’accompagnement réalisés par l’équipe de l’exposition, ainsi que la possibilité de vous procurer, sur place ou par correspondance, un marge choix des albums de ces héroïnes de bande dessinée jeunesse qui sortent nettement du vieil ordinaire patriarcal et convenu (il vous suffit de cliquer sur un titre pour avoir accès aux pages de commande sur le site de la librairie – ou sur la couverture de l’album dans le cas de « Crevette » et de « Super Sourde »). Venez donc nombreuses et nombreux faire provision de récits en images, vifs et enchanteurs, correspondant à la sélection opérée par Sandrine Deloffre, commissaire de l’exposition, et par la dessinatrice CY.
Il y a six ans, Lyon BD proposait l’exposition « Héro(ïne)s », pour mettre en évidence le manque de personnages féminins forts dans la bande dessinée. Force est de constater qu’aujourd’hui les héroïnes sont plus présentes qu’auparavant dans le paysage éditorial. Faisant fi de ce qu’on pourrait attendre d’elles, elles ne correspondent plus à aucun archétype. Elles deviennent indépendantes, guerrières et courageuses, humaines, elles mènent l’enquête, elles défendent, elles se battent et se relèvent. Elles ne sont plus cantonnées à des rôles de faire-valoir ou d’arrière-plan. Elles n’attendent plus d’être secourues, elles secourent.
Lyon BD vous propose 10 portraits, 10 héroïnes de bande dessinée à suivre de près. Aventure, magie, humour, sport, science-fiction…, la sélection met en lumière des héroïnes de tous les styles, mêlant les thèmes et les univers. (Lyon BD)
L’identification, qu’est-ce que c’est ?
L’identification, c’est le processus par lequel on se met à la place d’un personnage, au sein d’une histoire de fiction (enfin, c’est plus compliqué que ça, mais dans le cas présent, c’est là-dessus qu’on va s’attarder). On peut trouver des modèles d’identification un peu partout : la famille, l’école, le cinéma… et les livres. Dans les livres, particulièrement dans les albums de bande dessinée jeunesse, c’est toujours aussi compliqué de trouver des modèles d’identification pour les filles. Surtout pour deux raisons : la diversité et la quantité.
La diversité
Souvent, les personnages de bande dessinée répondent à des clichés, des stéréotypes. On retrouve plusieurs qualités pour les filles, par exemple : douce, aimante, curieuse. Tandis que pour les garçons, on est plutôt sur : drôle, aventurier, courageux. L’identification, c’est un processus très important, parce qu’il accompagne l’imitation. L’imitation, c’est important dans notre propre construction : on imite les personnes auxquelles on s’identifie. C’est pour ça que la diversité est importante : il en faut pour tout le monde. Différentes couleurs de peau, couleurs de cheveux, différentes nationalités, différents milieux, différents vêtements, différents genres, différents corps, et des personnalités riches !… Tout ceci aide à apprécier sa propre image, et à développer sa confiance en soi. C’est pour ça que c’est indispensable !
La quantité
Dans les albums jeunesse, c’est encore rare de trouver des héroïnes (25 %, contre plus de 50 % qui racontent l’histoire d’un héros). Alors, pour les personnages féminins… le choix est réduit. On remarque même (et c’est cette « découverte » de départ qui a lancé cette exposition) que les filles, parce qu’elles n’ont pas vraiment le choix, ont tendance à s’identifier à des personnages féminins ET masculins, tandis que les garçons ne s’identifient, sauf rares exceptions, qu’à des personnages masculins. On a voulu vérifier tout ça, et on a mené trois tests : dans un sondage très vaste sur les réseaux sociaux, dans une classe de CE1 et dans une classe de 5ème.
Est-ce que ça veut dire que les garçons sont incapables de s’identifier à un personnage féminin ? Ça paraît étonnant, non ? Les individus, en règle générale, ont tendance à s’identifier aux personnages de leur propre genre (donc à préférer leurs histoires). C’est aussi le cas dans le monde du jeu vidéo, où il est rare qu’un garçon sélectionne un personnage féminin, tandis que le contraire ne pose aucun problème aux filles (qui n’ont souvent pas le choix). (Lyon BD)
Akissi - Dessinée par Mathieu Sapin et scénarisée par Marguerite Abouet, chez Gallimard BD, Akissi apparaît naturellement comme une petite sœur délurée de la célébrissime Aya de Yopougon, confrontée à des dizaines de petites aventures dans l’immense quartier populaire d’Abidjan, permettant à tous les albums de se lire en toute indépendance. Elle fait partie des lectures le plus souvent recommandées pour les CP, CE1 et CE2. D’elle, nous vous proposons le tome 8 (« Mission pas possible ») et le tome 9 (« Aller-retour »).
Aliénor Mandragore- Dessinée par Thomas Labourot et scénarisée par Séverine Gauthier chez Rue de Sèvres, Aliénor Mandragore n’est pas moins que la fille de Merlin l’enchanteur, le plus grand druide de la mythique forêt de Brocéliande. Jouant avec humour de la geste arthurienne comme du folklore fantastique breton, nous vous en proposons « Le chant des korrigans ».
Astrid Bromure- Fabrice Parme manœuvre au dessin et au scénario, toujours chez Rue de Sèvres, pour nous offrir les aventures d’Astrid Bromure, fillette irrévérencieuse en diable qui s’attaque tout particulièrement dans chaque album à certains mystères du quotidien comme à certaines histoires-à-dormir-debout imaginées par les adultes pour faire tenir tranquilles les enfants. Nous vous en proposons le troisième album (« Comment épingler l’enfant sauvage ») et le cinquième album (« Comment refroidir le yéti »).
Aubépine- Dessinée par Karensac et scénarisée par Thom Pico chez Dupuis, Aubépine, la petite citadine brutalement brutalement déménagée dans un tout petit village de montagne au début de la série, réinvente à elle toute seule tout un humour fantastique et légèrement absurde que l’on croyait réservé, pour les plus grands, au « Génie des Alpages » de F’Murr. Nous vous proposons les quatre premières de ses trépidantes aventures alpestres : « Le génie saligaud », « Le renard furax », « Pourquoi tant de laine ? » et « La fin de tout (et du reste) ».
Crevette- Dessinée et scénarisée par Élodie Shanta à La Pastèque, Crevette « est une petite sorcière gentille et un peu pleurnicharde, qui rêve de rentrer à l’école de sorcellerie mais rate toujours le concours d’entrée. » C’est en se liant d’amitié avec un chat savant et un petit démon collecteur d’âmes qu’elle ouvre sa porte à des liens forts et à de fort étonnantes aventures.
Au début du projet et dans le scénario, Crevette était-elle déjà comme on la connaît aujourd’hui ? Est-ce qu’elle a évolué en chemin ?
J’ai dessiné Crevette, Joseph et Gamelle pour la première fois en 2009. L’histoire n’avait rien à voir. Joseph était le héros, Crevette était blonde à cheveux longs, Gamelle était gros et jaune. J’ai partagé leurs aventures sur mon blog et sur une plateforme de webcomics, mais à l’époque je n’avais aucune audience et je n’avais sorti aucun livre. En dix ans, mes idées ont évolué, et le personnage de Crevette comme héroïne faisait plus sens. Il y a dix ans, dans les aventures que j’écrivais, Crevette était un peu sotte. Aujourd’hui, elle est forte et déterminée. Pendant dix ans, j’ai régulièrement eu ces personnages en tête et j’ai dû faire quatre versions en tout.
Molly (Les bergères guerrières) - Voilà maintenant dix ans que les hommes du village sont partis, mobilisés de force pour la Grande Guerre. Dix ans qu’ils ont laissé femmes, enfants et anciens pour un conflit loin de chez eux… La jeune Molly est heureuse car elle peut enfin commencer l’entraînement pour tenter d’entrer dans l’ordre prestigieux des Bergères guerrières, un groupe de femmes choisies parmi les plus braves pour protéger les troupeaux mais aussi le village.
Dessinées par Amélie Fléchais et scénarisées par Jonathan Garnier, les « Bergères guerrières » sont publiées dans la collection Tchô! de Glénat, et nous vous en proposons les trois premiers albums : « La relève », « La menace » et « Le périple ».
Nola (La boîte à musique) - Dessinée par Gijé et scénarisée par Carbone chez Dupuis, « La boîte à musique » est celle offerte à Nola pour ses huit ans, porte mystérieuse sur un univers à part entière, onirique ou réel, dans lequel il s’agit sans doute de plonger. Nous vous en proposons le premier tome, « Bienvenue à Pandorient ».
Cette boîte est un symbole pour la petite fille, mais très vite, la fillette croit voir des signes de vie à l’intérieur. Oui, elle ne rêve pas : quelqu’un lui fait signe et lui demande de l’aide. Dès lors, en suivant les instructions d’Andréa, la fille de la boîte à musique, Nola rapetisse, entre dans la boîte et découvre le monde de Pandorient, un monde incroyable…
Super Sourde - « À la suite d’une méningite, Cece Bell a perdu l’audition à l’âge de quatre ans. Devenue illustratrice pour la jeunesse, elle raconte dans cette bande dessinée autobiographique (traduite par Hélène Dauniol-Remaud et publiée chez Les Arènes) son enfance marquée par la différence. Se faire des amis, jouer, apprendre…, tout est différent quand on est sourde et que cela se voit. À l’école, Cece portait un appareil auditif imposant. Pour affronter le monde qui l’entoure – pleinement entendant, lui – et accepter son handicap, elle s’est inventé un personnage de super-héros : Super Sourde. »
Zita, la fille de l’espace - Dessiné et scénarisé par Ben Hatke, traduit par Basile Béguerie chez Rue de Sèvres, « Zita, la fille de l’espace » narre les aventures galactiques d’une fillette lancée à la rescousse de son ami disparu, emporté par une étrange machine spatiale vers la planète Scriptorius. Nous vous proposons de découvrir le premier tome de cette saga à rebondissements, indépendants les uns des autres, premier tome sobrement intitulé « Zita, la fille de l’espace ».
Hugues Charybde, le 10/06/2020
Badass, la bd jeunesse à Ground Control