Tant de pause pour Marie Bovo à la Fondation HCB

Avec des temps de pause toujours longs, pour capter la lumière crépusculaire, Marie Bovo scrute le passage des heures en des espaces intermédiaires, dépeuplés mais habités. A la fondation HCB, elle expose 37 clichés (et deux films) jusqu’à fin août, tous grand format, argentique et en lumière naturelle.

Marie Bovo - Alger 2012

Marie Bovo - Alger 2012

Pour l’art, la nuit est essentielle. Notre regard rencontre une limite très forte, le noir, ce moment où l’on ne peut plus voir, le retrait. C'est accepter que certaines choses échappent au regard, à la pulsion voyeuriste et exhibitionniste, le propre de nos sociétés contemporaines. On passe notre temps à faire reculer cette présence de la nuit en l’éclairant.

Marie Bovo

Marie Bovo, Cour intérieure, 17 février 2009, Tirage ilfochrome marouflé sur aluminium, 120 x 152 cm•  Crédits : © Marie Bovo, Courtesy the artist and kamel mennour, Paris

Marie Bovo, Cour intérieure, 17 février 2009, Tirage ilfochrome marouflé sur aluminium, 120 x 152 cm•
Crédits : © Marie Bovo, Courtesy the artist and kamel mennour, Paris

Cette restitution du temps, illustrée par la photographie comme le film, est fondée sur plusieurs principes comme l’observation tranquille et concernée, la politesse du regard et l’appropriation d’un dedans imaginaire par le dehors. Marie Bovo passe sans encombre de la photographie à l’image en mouvement et, ses images, conçues pour la série pour insister sur le passage du temps, se situent à la limite du cinéma. La qualité visuelle et la plastique léchée de ses oeuvres ne laissent soupçonner de prime abord le regard politique qui les sous-tend.

Marie Bovo, La voie de chemin de fer 13 avril 2012. 06H05, 2012, Photographie couleur, 142,5 x 180 cm• Crédits : © Marie Bovo, Courtesy the artist and kamel mennour, Paris

Marie Bovo, La voie de chemin de fer 13 avril 2012. 06H05, 2012, Photographie couleur, 142,5 x 180 cm• Crédits : © Marie Bovo, Courtesy the artist and kamel mennour, Paris

A lutter ainsi contre la déréalisation du monde, elle en fait surgir d’autres dimensions et témoigne à sa manière de ce que tout le monde oublie, le glissement du temps dans des univers privés en allant de l’intérieur vers l’extérieur, comme une œuvre en voie d’apparition/disparition. On voit des images de Marseille, d’Alger et d’Afrique, au gré des séries présentées qu’Alain Bergala qualifie ainsi dans la préface de l’ouvrage qui va de pair avec l’exposition :

 Il y a toujours, au foyer de son travail, l’exploration sereine de la même et profonde potentialité virtuelle de la photo qu’il lui appartenait de rendre évidente. La photo, pour une majorité écrasante de photographes, est l’art de saisir un instantané du monde des apparences qui est devant eux. C’est généralement un art du plein et du visible. Mais la photo peut être aussi, comme le prouvent ces images, un art de l’absence, de la disparition et de l’évanouissement du visible.

Soit l’exact inverse de ce que propose la vision télégénique qui ne saisit, dans son commentaire que des fragments pour affirmer un discours sans intérêt qui veut donner une image stable du monde - là où règne l’ordre du discours. Ici, au contraire, un témoignage du passage du temps et la tentative continue de le restituer. Zen dans le flow… 

Marie Bovo - Marseille En Suisse le Palais du Roi Kebab 22h45, le 21 février 2019.

Marie Bovo - Marseille En Suisse le Palais du Roi Kebab 22h45, le 21 février 2019.

Jean-Pierre Simard le 19/06/2020
Marie Bovo - Nocturnes -> 23/08/2020
Fondation Henri Cartier-Bresson 79, rue des Archives 75003 Paris
+ Catalogue Marie Bovo - Nocturnes,
Atelier EXB / Éditions Xavier Barral

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