Tommy Kha : être présent pour mieux disparaître
Avec un goût prononcé pour la théâtralité, Tommy Kha créé des masques en 3D de son visage pour que ses amis, sa famille et les étrangers puissent les porter,; en vue de s’inscrire, à sa manière, dans l’Histoire de l’art.
Aussi, ses auto-portraits fonctionnent à un double niveau. I'm Only Here To Leave, son projet en cours, est constitué d’images imprimées en 3D, mises en scène dans des décors réels. Le photographe originaire de Memphis, Tennessee, aujourd’hui résident de Brooklyn à New York, explique : "Je voulais trouver un moyen de me représenter sans me photographier littéralement. J'ai donc préféré faire des photographies de mon visage et de mon corps pour contrôler ma représentation". Dans ces images, l'artiste et les autres - famille, amis et étrangers - se retrouvent souvent avec des masques du visage de Kha ou avec d'autres accessoires qui brouillent les lignes entre corps et corps photographié.
Kha a commencé à travailler sur I'm Only Here To Leave en 2015, lors d'une résidence à LightWork. Les premières photographies de ce travail comprenaient des découpages en carton de son visage de l'artiste issus de ses archives personnelles. Pour d'autres photos, il a créé des pochoirs en carton blanc, à partir de ces découpages, donnant l'impression qu'il s'était littéralement coupé de son propre travail. Plus récemment, il a travaillé avec un fabricant pour créer des masques hyper réalistes de son visage et a utilisé des tatouages temporaires pour donner l'impression d'avoir quatre yeux.
Il fait la navette entre Memphis et Brooklyn et partout où son travail l'amène, avec ces photo-prothèses dans son sac, en attendant une occasion de les utiliser. "C'est une chose amusante à faire, mais cela me permet de trouver un équilibre entre la photographie directe et la photographie mise en scène, en me donnant davantage de possibilités de mettre en scène ces choses irréelles dans des espaces réels". Cette stratégie fait tout l’intérêt de son projet par son mélange de douceur familière et d'étrangeté troublante. Elle renvoie aussi souvent à l’histoire de l’art, par le biais de celle de la photo. On trouve ainsi moult références à de célèbres clichés dans son œuvre, après détournement.
La constante présence de la famille de Kha, mise en valeur tout au long de la série, fait référence à la photographie familiale vernaculaire et à l'idée de ce que signifie la représentation dans l'art. "En tant qu'Américain d'origine asiatique élevé à Memphis, je ne me suis jamais vu représenté dans les médias ou dans les canons de l'art occidental. Je pense que m'insérer littéralement dans les représentations est ma façon d'essayer de résoudre ce problème". Il sera intéressant de voir comment va se dérouler l'opération au fil du temps, car Kha a l'intention de la poursuivre au fil des ans. Il considère cette exploration moins comme une série que comme un ensemble d'images qui sont connectées, avec le reste de son travail. "Tout ce que je fais s’intègre à une démarche destinée à faire œuvre.”
Tommy Kha est un photographe basé entre Brooklyn, NY et sa ville natale, Memphis, TN. Il est lauréat du CR Magazine's Photography Annual 2019, présélectionné par Foam Talent 2019, finaliste du Grand Prix Hyères Photography 2019, bénéficiaire de la bourse de photographie En Foco, et ancien artiste en résidence au Center for Photography de Woodstock, Light Work, Fountainhead, et Baxter Street au Camera Club de New York.
Il a fait la couverture du numéro spécial photographie 2017 du magazine Vice. Sa première exposition personnelle a eu lieu à la Blue Sky Gallery, suivie de ses débuts à New York au Camera Club de New York en mai 2019.
Il se produit, écrit et apparaît occasionnellement dans certains films, dont le long métrage de Laurie Simmons, My Art. He is not garbage ( Mon art est à prendre en considération.) Kha est titulaire d'un MFA en photographie de l'université de Yale.
Plus sur son travail ici et là
Tommy Kha - I‘m Only Here to Leave
Texte de Liz Sales, traduit et adapté par la rédaction le 20/05/2020