Alles In Allem, le retour poétique d'Einstürzende Neubauten
Pour son premier album studio depuis 12 ans, Einstürzende Neubauten reprend la conversation avec son public, là où elle s’était arrêtée, en marge des autres, avec un son et un discours propre. Et la magie opère de nouveau en parlant l’aujourd’hui en tension et en poésie. Bueno…
Alles In Allem, est enfin sorti et l’album marque la quintessence de la production du groupe, ouvrant une autre porte inattendue dans les 40 ans de recherches sonores en cours par un groupe très expérimental de musiciens réunis autour de Blixa Bargeld. Ce groupe, comme presque aucun autre, a réussi à créer un cosmos musical. Il a, en fait, construit son propre genre en combinant de manière unique un son nerveux avec une poésie sophistiquée. Et si dans l’Allemagne d’aujourd’hui, on parle plus techno et hip-hop que rock, des groupes comme Das Ich, Rammstein ou eux rallument le flambeau avec verve et entrain.
En cette année du Rat ( et du Covid-19 réunis) - symbole de l'ingéniosité et de la polyvalence selon le zodiaque chinois - le groupe ne se repose pas sur les lauriers de ses quatre décennies d’activité. Au contraire, il continue à explorer méticuleusement tout ce que l'univers sonore a à offrir sur l'avenir qui se dévoile au fil de cette pandémie avec une espièglerie sans limite. Les paysages sonores et textuels uniques du groupe, fondé en 1980 à Berlin, révèlent l'intemporalité que Blixa Bargeld, N. U. Unruh, Alexander Hacke, Jochen Arbeit et Rudolph Moser n'ont cessé d'entretenir Et pourtant, grâce à l’approche expérimentale de l'écriture de chansons et de l’emploi des instruments développés pendant quatre décennies, selon une contribution collective, le groupe sonne remarquablement avant-gardiste à son époque. Et en même temps, le disque se dévoile au fil des écoutes, pour s’installer durablement entre les oreilles à dévoiler petit à petit ses circonvolutions et sa beauté portée par la voix prenante de Blixa.
En fait, grâce à leur style musical très personnel développé depuis longtemps, le groupe semble toujours paré à maîtriser toutes les manifestations de l'ici et du maintenant, qu'il s'agisse de la musique industrielle de ses premières années, des rythmes entraînants des années 1990 ou de ses œuvres plus tardives. Le couplet Wir hatten tausend Ideen / Und alle waren gut (Nous avions mille idées / Et elles étaient toutes bonnes) du morceau de l'album Am Landwehrkanal pourrait facilement être perçu comme la description du groupe. Mais c’est bien dans l’expression que véhicule l’album qu’on retrouve la subtilité de l’approche et la façon de mettre en scène/musique les turbulences du temps qui se présente sans jamais vraiment s’offrir. comme s’ils sentaient le vent, le domestiquait et nous le renvoyait tel quel. Effluves, rythmes, voix et le tour est plié et l’album nouvellement sorti de tourner en boucle. C’est du lourd dans le propos, c’est léger à l’envi(e) ! Problème, aucune date française programmée pour 2021…
Jean-Pierre Simard le 14/05/2020
Einstürzende Neubauten - Alles In Allem - Potomak