"It Is What It Is" : la bonne thérapie de confinement de Thundercat

A l’heure où l’on commence à être lassé d’un univers borné à quelques murs et mètres carrés, Thundercat balance son journal des derniers mois, un It Is What It Is, véritable journal de bord de la mort d’un proche (Mac Miller) et de comment la surmonter. Quatrième et somptueux album qui mélange tous les sons intéressants du jour. Une caresse “mental groove” à écouter en boucle.

Une caresse propulsée par 15 titres et collaborations avec des artistes tels que Louis Cole sur "I Love Louis Cole", Steve Lacy, Steve Arrington et Childish Gambino sur "Black Qualls", Zack Fox sur "Overseas", Ty Dolla $ign et Lil B sur "Fair Chance", Pedro Martins sur le dernier titre, et Flying Lotus, Kamasi Washington et Ronald Bruner Jr (le frère de Thundercat) sur "Innerstellar Love".

Bon, co-produit par Flying Lotus, c’est déjà une preuve de bon goût, mais il fait surtout mouche par une vraie mise à plat des sons qui l’intéressent, piquant partout chez ses modèles par mélange de jazz-funk, de R&B, de hip-hop et de musique électronique qui part dans tous les sens, en suivant malgré tout les traces laissées par George Duke et Billy Cobham à la fin des années 1970. Et, si c’est agaçant à la première écoute, de retrouver là tout ce qu’on cherche habituellement pour construire des mixes au groove continu, comme ceux qu’on vous propose habituellement dans nos pages - on se dit (d’un côté) qu’on n’a pas trop perdu nos oreilles et, de l’autre, que ces sons devaient forcément traîner quelque part - et que notre Cat (Steven Bruner) a bien trouvé le son caresse dont on a justement besoin en ce moment avec sa Californie flottante et fantasmée, comme dans les 70’s.

Statistiquement, nous allons tous perdre des amis et des proches dans les semaines à venir. "Cet album parle d'amour, de perte, de vie et des hauts et des bas qui vont avec", a déclaré Thundercat dans un communiqué de presse. "C'est un peu ironique, mais à différents moments de la vie, on rencontre des endroits que l'on ne comprend pas forcément... certaines choses ne sont pas censées être comprises.” Le motif de la perte prend plusieurs formes tout au long du disque, "Fair Chance" et "It Is What It Is" étant les morceaux les plus évidents qui mettent l'accent sur cet aspect alors qu'il rend hommage à son ami et collaborateur décédé, Mac Miller. Thundercat a donc réussi ici à formuler votre présent et ce qui peut advenir dans les semaines à venir avec un groove aussi flottant que fantomatique et lugubre. D’une certaine manière il vous prévient, d’une autre, il énonce clairement comment faire pour ne pas sombrer… 

Après son audition, vous n’écouterez plus Véran, le véreux, de la même manière. C’est toujours ça de pris !
On va parier sur cet album comme étant le premier disque du déconfinement. Un détour obligatoire des jours à venir, mais un vrai soutien moral qui fait son et sens. What Else ?

Jean-Pierre Simard le 3/04/2020
Thundercat - It is What It Is - Brainfeeder Records