Bill Laswell et l'Empire contre-attaque…
Against Empire est le nouvel album d’un Bill Laswell, toujours prolifique auteur et producteur/bassiste, qui se remue toujours pour produire un idiome incomparable à base de toutes ses passions/déviances : jazz-dub-funk-expérimental-rock-ambient… et j’en passe.
Si on a commencé à regarder autrement les bassistes dans les 70’s, c’est pour des moments glorieux signés autant Stanley Clarke que Jaco Pastorius, mais on a oublié ensuite l’apport de deux zig comme Jah Wobble, période PIL et après ou Laswell avec et sans Material… sûrement parce qu’aucun des deux ( et ils ont joué ensemble) ne rentrait jamais dans les cases, préférant suivre leur nez et s’aventurer en des domaines invendables comme les musique du monde ou le jazz barré qui n’avoue pas son nom. Pionnier un jour, fauché toujours- ou presque. Comme Joe Strummer l’avouait un jour, dans une interview : C’est cool d’être une légende, mais ça paye rarement le loyer … Mais, comme St-Lazare, souvent je m’égare.
Lors de sa dernière apparition en concert il avait commis un solo aussi psyché que vrombissant à la fuzz, à Banlieues Bleues 2019, lors du concert de Dave Douglas, que n’aurait pas renié le Hugh Hopper des premiers temps de Soft Machine… Et c’est aussi le genre de mec qu’on écoute à plein volume, le bouton loudness de l’ampli collé dans le coin.
Ici, sur Against Empire, on atteint une nouvelle catégorie de sophistication technologique et électro/acoustique ( vite, une écoute au casque !) L’album s’attachant en effet à projeter une activité hybride, une texture en constante évolution s'écrasant contre des rythmes lisses et se déployant autour des fondations solides et élastiques de quatre batteurs iconiques - Jerry Marotta (Peter Gabriel), Chad Smith (Red Hot Chili Peppers), Hideo Yamaki (le meilleur batteur du Japon) et Satoyasu Shomura (phénomène pop japonais). D’une part ça envoie de partout et, de l’autre, on baigne dans un bain acoustique très très dense qui redéfinit l’espace sonore à sa mesure. On y trouve aussi le légendaire Pharoah Sanders, connu pour ses collaborations radicales avec John Coltrane, le multi-instrumentiste polyvalent Peter Apfelbaum, et les apports minimalistes du grand Herbie Hancock au piano électrique, tout comme le toucher inimitable du maître percussionniste Adam Rudolph; autre compagnon de longue date.
Contre Empire offre une multitude de mouvements multi-directionnels pour projeter une idée nouvelle d’un son qui se cherche et souvent se trouve en balançant, en rêve, une image bizarre du paradis, une qualité projetée d’un certain ailleurs, tout cela envoyé par des constructions imaginaires nouvelles pour manifester sa différence radicale. Soit on s’immerge et c’est géant ; soit on écoute distraitement et on passe à côté. C’est selon :-)
Jean-Pierre Simard le 24/4/2020
Bill Laswell - Against Empire - MOD Technologies Records