Grimpez de suite dans le Magic Bus ambient de Move D et Benjamin Brunn
La ressortie du jour est signée du pionnier ambient allemand Move D et son acolyte de longue date Benjamin Brunn. Let’s Call It a Day date de 2006, mais revient avec son étrangeté de house mimimaliste frottée à l’ambient immersive. Et le jardin n’a rien perdu de sa beauté comme disait si bien Verlaine…
Cette réédition de Let's Call It a Day marque sa première réapparition depuis 2006 et sa parution en vinyle ou des services de streaming. Le moment est opportun ; la musique d'ambiance connaît actuellement une renaissance, et l'album de Move D et Brunn, avec son mélange soigné de pulsation et d'atmosphère, sonne toujours de façon unique. Plus encore que le suivant, issu des mêmes sessions, Songs From the Beehive, celui-ci atteint un équilibre inhabituel entre l'avant-garde techno et le tourbillon amniotique de l'ambient.
L'album commence par un titre singulier. L'auditeur qui aurait entendu On the Magic Bus en 2006 ne sera pas complètement déconcerté ; son rythme de tambour et ses éclats de bruit blanc se rapprochent du rythme familier de la musique dance, tandis que les basses arrondies évoquent le pionnier de la deep-house et M. Fingers. Mais le tout semble suspendu dans un liquide, comme les flocons d'une boule à neige. De là, le duo laisse derrière lui tout semblant de club. Grains est cadencé par une impulsion dub-techno enfouie et un soupçon de tic-tac de l'horloge ; le reste de la piste n'est qu'un champ chatoyant de cliquetis et de grincements aléatoires, comme si une radio à transistor avait soudain développé un vif intérêt pour le free jazz pendant que les deux musiciens s'en allaient à la pause déjeuner. A et Ω sont des variations sur un même thème, qui font ressortir de manière hypnotique des accords sombres et bruyants sur des rythmes bruissants.
Tout comme Songs From the Beehive, les sept morceaux ont été improvisés pendant quatre jours dans le studio de Moufang, mais les deux points forts de l'album montrent les différentes formes que peuvent prendre ces sessions de free. Let's Call It a Day est le morceau le plus éthéré de l'album, avec de faibles accords de synthétiseur qui se transforment lentement en un doux lit de clics, de ronronnements et de soupirs. Essayer de suivre les mouvements de ses créateurs, c'est comme chercher une main qui guide les mouvements d'une lampe à lave ; on a l'impression qu'elle pourrait bouillonner comme ça pour l'éternité, générant des permutations infinies du même motif de base.
Le Magnetically Levitated Train, en revanche, constitue la grande récompense émotionnelle du disque : une série patiente de changements d'accords à la sauce jazz, qui s'étendent sur 17 minutes apaisantes, jouées avec une délicatesse inhabituelle et imprégnées d'une touche humaine indéniable. À la fin d'un disque qui ressemble presque à un système d'autorégulation - un fantastique contrepoint fait d'une pompe d'aquarium, de billes et de cotons-tiges - cette douce chanson sentimentale révèle enfin un aperçu des deux hommes derrière le rideau, qui tirent doucement les ficelles. Et on se laisse emporter par les vagues ; puisque toutes les piscines sont actuellement fermées.
Jean-Pierre Simard en phase amniotique le 26/03/2020
Move D & Benjamin Brunn - Let’s Call It a Day - Smallville Records