Enfin vint (l'album de) Jay Electronica

Sur la brèche depuis plus de dix ans, Jay Electronica sort enfin A Written Testimony, son premier album qui, à force d’avoir été repoussé tombe quand même à pic ! Parolier et MC d’exception, il a la classe de Nas ou Jeru the Damaju et a inspiré Kendrick Lamar. Ici, parasité par Jay Z, boss de son label Roc On, il l’enfonce sans forcer.

Jay Electronica, de son vrai nom Elpadaro F. Thedford, né le 19 septembre 1976 à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane, est un rappeur et producteur américain. Après avoir été la star en devenir, maintenu par Jay Z en attente de pouvoir faire son album depuis 10 ans (les premières annonces datent de 2010), c’est avec la participation du même Jay-Z sur sept des dix titres, que sort l’album qui aurait pu sortir sous leur deux noms, tant c’est pesant. A croire que le nouveau milliardaire du hip-hop qui vote Trump a décidé d’agir comme l’autre empaffé, en phagocytant le propos de son disciple. Mais en dehors de ce fâcheux et envahissant partenaire, Jay a aussi fait appel à Travis Scott et The-Dream en featuring et, côté composition à Araab Musik, Hit-Boy, No I.D et Swizz Beatz.

En 2007 Jay Electronica avait sorti la mixtape concept Act I: The Eternal Sunshine (The Pledge). Longue d’à peine 15 minutes, dénuée du moindre refrain, elle reprenait l’ambiance musicale de la comédie romantique de science-fiction Eternal Sunshine of the Spotless Mind réalisée de Michel Gondry avec Jim Carrey. Certifiée culte depuis, le projet était censé être suivi de deux autres actes, sauf qu’à une tracklist lâchée dans la nature en 2012, des tweets plus cryptiques les uns que les autres et de multiples rumeurs, rien ne s’est passé, hors les deux tueries Exhibit A et Exhibit C.

Aujourd’hui, A Writtent Testimony vient remettre les pendules à l’heure en balançant un contenu soul brother qui emprunte son discours en partie à la Nation of Islam pour la place que les noirs devraient occuper dans le monde et en jouant avec la globalité d’un son mondial ( des samples d’actu, de musette à des sons de rock chicano, du jazz, voir des compos qu’on dirait tout droit sorties de vieilles pub.) Mais ce qui frappe, c’est le cool de son flow impeccable, la continuité du propos qui en fait un album qui s’écoute de A à Z sans forcer; même si l’envahissant Jay Z - à vouloir trop aider son poulain, lui gâche la mise par son omniprésence. 

L’album a un ton choral assez exceptionnel par rapport à la scène rap actuelle, avec des prods léchés, des samples hyper précis et on sent que chaque morceau a été confectionné et tracklisté avec attention. On a à faire à un classique de la plus belle eau, même si son côté intemporel ( il aurait pu sortir n’importe quand entre 2010 et 2020 le rend encore plus intrigant. Une vraie réussite qui se dévoile en apesanteur… 

Jean-Pierre Simard le 16/03/2020
Jay Electronica - A Written Testimony - Roc On