Comment écrire l'histoire du futur par Jean-Jacques Birgé
En visite à Karlsruhe pour présenter une exposition , Jean-Jacques Birgé s’est interrogé sur le peu d’espace muséal hexagonal concernant les nouveaux média - le Fresnoy étant un studio d’art, pas un musée. Il nous livre ici sa réflexion.
Comme nous présentions avec Anne-Sarah Le Meur notre installation audiovisuelle Omni-Vermille au ZKM (Centre d'art et de technologie des médias de Karlsruhe), j’en ai profité pour visiter l’exposition Writing the History of the Future. J’étais venu il y a plus de vingt ans lors d'un Master européen de la Femis et je suis surpris qu’il n’existe aucun équivalent en France à ce musée des nouveaux médias. Les écrans, installations interactives, captations vidéo pullulent dans cette gigantesque ancienne usine aux magnifiques structures métalliques. Lors de notre séjour, la rétrospective Peter Weibel venait de fermer, mais étaient encore ouvertes celles du Bauhaus en films et celle sur le Gameplay. Je me suis surtout attardé au musée proprement dit qui rassemble quantité de pièces historiques.
Pendant cette pérégrination, je remarque de grandes tendances comme les plantes réagissant au toucher des visiteurs. Ainsi les plantes musicales de Scénocosme rappellent l’Interactive Plant Growing (1992) de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau dont les feuilles virtuelles poussent sur l’écran lorsqu’on caresse celles qui sont en pots. Frôlez le le cactus et tout s’efface comme des bulles qui éclatent. L’humour, souvent présent dans les œuvres exposées, a un parfum de fête foraine avec ses miroirs déformants et les déclencheurs robotiques. C'est tout de même à la foire qu'est né le cinématographe !
Le même duo dessine mon portrait avec un essaim de mouches (Portrait On The Fly, 2015) ou Ira Schneider me multiplie après que je sois passé devant un fonds vert (Echo, 1975, digital reconstruction) à la manière de Myron Krueger…
De grands classiques comme Versailles Fountain (1992) de Nam June Paik ou Reliquaire (1990) de Christian Boltanski côtoient des œuvres récentes.
Une section présente des pièces musicales, la plupart minimalistes. Au delà de l’interactivité, déclenchée en appuyant sur une pédale ou en s’approchant simplement, les compositions musicales sont presque toujours décevantes. Ce sont des œuvres plastiques, mais pauvres à l’écoute. Un coup de gros caisse est tout de même un peu sommaire ! Le stylet vibrant sur une corde du Musical Hannover (1974) de Takis a le mérite de posséder un timbre intéressant et une indétermination, humaine en opposition à la foule robotique.
Pour créer du rêve ou de la pensée il faut plus que la mécanique des capteurs. Ainsi Beton-TV-Paris (1974) de Wolf Vostell ouvre une fenêtre future microscopique sur le passé…
En sortant de l’expo, un énième miroir déformant nous filme, Max Pinson et moi. Nous ne nous étions pas vus depuis 44 ans. Le passé resurgit au gré de nos mémoires défaillantes. Quant à écrire l’histoire du futur, le concept ne peut qu’enthousiasmer un compositeur qui a fêté son Centenaire en 2052 et dont le nouvel album s’appelle Perspectives du XXIIe siècle !
Jean-Jacques Birgé le 16/03/2020
Ecrire l’histoire du futur