Les plis et contre-plis de Simon Hantaï

S’il a fallu attendre 2013 et la rétrospective de Beaubourg pour admirer les méandres complets de l’œuvre de Simon Hantaï, la proposition de Gagosian au Bourget se limite à la période des pliages, de 1969 à 1997. Pour prendre l’exacte démesure de ces plis, il vous reste jusqu’au 20/03… 

Simon Hantaï, Tabula, 1980 Huile et acrylique sur toile, 285,6 x 454,5 cm Paris, Centre Pompidou.

Avant d’en arriver à cette radicalité qui le fera, petit à petit, cesser complètement de peindre pour préférer le dialogue avec ses amis philosophes ( Jacques Derrida, Hélène Cixous, Jean-Luc Nancy), Simon Hantaï a été un passeur et un des peintres les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle, toujours étonné de ses productions et ses avancées, à produire une œuvre mystérieuse, sensuelle et spirituelle à la fois, Depuis ses débuts parisiens à la fin des années 1940, jusqu'aux dernières toiles redécoupées, Hantaï a expérimenté le geste, les raclures, l’écriture… Quand, en 1960, il a commencé à plier la toile et, par conséquent, à peindre en aveugle, il a continue d'explorer les moyens de provoquer le hasard dans le tracé des formes et la répartition des couleurs. À partir de cette date, ce sont d'ailleurs les différents modes de pliage qui déterminent les périodes de son travail en offrant une relecture radicale de son œuvre puisqu’il finira, ce qu’on voit au Bourget, par découper des œuvres précédentes pour leur donner une nouvelle perspective et faire table rase de son œuvre - ou presque.

Simon Hantaï dans son studio à Meun en 1967 par Edouard Boubat

Ses pliages révèlent de magnifiques nuances de couleur, mais Hantaï en a également réalisé d’autres uniquement avec de la peinture noire sur une toile blanche. L’exposition Les noirs du blanc, les blancs du noir explore cet aspect de l’œuvre de l’artiste : sans l’intervention de la couleur, les peintures et sérigraphies en noir et blanc célèbrent l’esthétique formelle du pli et illustrent l’évolution de la manière dont Hantaï conçoit l’acte pictural.

Cette exposition présente principalement quatre peintures monumentales, réalisées à l’huile et à l’acrylique et qui font partie de la série des Études. Réalisée à la fin des années 1960, à l’apogée des expérimentations de Hantaï avec la méthode du pliage, cette série témoigne de la volonté d’éliminer la main de l’artiste dans l’acte de peindre. Les Etudes révèlent un entrelacement de plis d’un blanc éclatant sur la toile ; elles peuvent évoquer des images familières de la nature — peut-être un sous-bois de feuilles ou une volée d’oiseaux — mais constituent plus fondamentalement une abstraction pure.

«Le pliage ne procédait ne rien. Il fallait simplement se mettre dans l’état de ceux qui n’ont encore rien vu ; se mettre dans la toile.  On pouvait remplir la toile pliée sans savoir où étain le bord. On ne sait plus alors où cela s’arrête. On pouvait même aller plus loin et peindre les yeux fermés. » Simon Hantaï

Après 1998, il va modifier des œuvres existantes par la sérigraphie et les découpages, cherchant de nouvelles variations infinitésimales dans ses précédentes productions. En les découpants au cutter  il inflige simultanément un acte de violence irréversible à son propre art et préserve les éléments visuels les plus fondamentaux de ses pliages. Ce que vous verrez au Bourget - et l’espace est assez grand pour que les toiles monumentales vous mettent sans dessus dessous. Bingo !

Jean-Pierre Simard le 28/02/2020
Simon Hantaï - Les noirs du blanc, les blancs du noir → 21 /03/2020

Galerie Gagosian, 800, avenue de l’Europe 93350 Le Bourget

Vue de l’exposition Les Noirs du Blanc, Les Blancs du Noir, 2019© Archives Simon Hantaï / Adagp, Paris, 2019. Photo: Thomas Lannes. Courtesy Gagosian