Retour au Gun Club de "Miami", remixé et enrichi de frais

“Miami” a été et reste un album important du rock 80’s et du Gun Club. Salopé par un son compressé et approximatif, il refait surface aujourd’hui, nettoyé de frais et propose 18 titres supplémentaires pour une redécouverte du groupe de Jeffrey Lee Pierce. Poetic Justice !

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On se souvient de Jeffrey Lee Pierce, sur scène, possédé et flamboyant à hurler ses démons et ses cauchemars. Et on peut dire que Miami a été l'heure de gloire annoncée du Gun Club. Malheureusement, il avait été gâché par un pressage compressé et une prod de mauvaise qualité, et par le manque de promotion de leur label Animal, appartenant à Chris Stein de Blondie (on note la participation de Debbie Harry aux chœurs sous l’intitulé D H Lawrence) , un producteur fort occupé ailleurs qui l'a laissé continuer sa route sans l’aider à sa sortie. Cette réédition renforce le son avec un nettoyage sonore sympathique et bien amélioré. Un deuxième disque de 18 démos est également ajouté.

Ceux qui ne connaissent pas le style excentrique et énergique du Gun Club peuvent avoir enfin un aperçu fiable de ce que le frontman/fondateur/chanteur/auteur-compositeur et seul membre cohérent Jeffrey Lee Pierce visait sur la douzaine de chansons du deuxième disque de sa formation. Combinez le punk, le blues, le rockabilly et le rock des marais avec le chant de Pierce, instantanément reconnaissable, qui est passé d'une mélodie tendue à la manière du John Doe de X à un hurlement à mort qui fait mal aux yeux. Ce dernier exposé dans une reprise bien tordue du Run Through the Jungle de Creedence Clearwater Revival qui prend l'original déjà effrayant et le jette dans les flammes de l'enfer. Pierce injecte sa marque spéciale au mojo sombre et envoûtant qui a poussé la musique du Gun Club bien au-delà de tout ce qui pouvait être considéré comme commercial à l’époque.

Cette marque de fabrique vocale et instrumentale suraiguë laisse l'auditeur déséquilibré, ne sachant pas ce qui va suivre. Cela contribue à rendre l'écoute de Miami, enregistré à New York, si excitant, puissant et parfois déséquilibré au fil de l'écoute. "J'ai vu la lumière... mon cerveau vient d'éclater", hurle Pierce sur A Devil in the Woods, une tranche de son à la Johnny Cash, effrayant et intransigeant, genre le purgatoire rock. Il en va de même pour le pays de l'ombre évoqué dans Mother of Earth qui ajoute de l'acier à un album se faufilant de rêve déçu en cauchemardesque fiévreux. Et c’était ça le Gun CLub, toutes les façons de se laisser posséder par le mojo du moment, en espérant s’en sortir.

L’ajout des 18 bonus du second album - forcément inédits - dévoile plus d'une heure de démos exhumées des premières séances de Miami, et de quelques autres titres. Elles montrent à quel point Pierce était concerné dans son art, et comment la musique sonnait dans sa tête avant qu'il n'entre en studio. Le mixage est déséquilibré, les guitares se battant parfois pour être entendues par-dessus son chant, mais ces premières versions valent la peine d'être entendues pour une compréhension plus complète de la vision idiosyncrasique mais finalement intemporelle de Pierce. Profond comme Cash, habité comme Nick Cave, mais irrécupérable à ne poursuivre que ses chimères qui ont fini par le tuer… Miami, c’était l’envol- et quel envol ! Recommandé.

Jean-Pierre Simard le 8/12/2020
The Gun Club - Miami - Blixa Sounds

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