L'imaginaire projeté de Min Jung-Yeon ensorcelle
Brume légère qui se répand pour mieux se dissiper ou forme imposante qui entoure, étouffe et engloutit. Rien n’est ici statique dans ce monde à la délicatesse extrême formulé par Min Jung-Yeon. Ni tout à fait réelles ni complètement imaginaires, ses œuvres interpellent. A la fois être intime de l’artiste et appartenance à une histoire (de l’art) contemporaine.
Première approche : L’intérêt profond que porte Min Jung-Yeon aux sciences, à l’exploration de l’espace notamment, est lié à son observation poussée de la nature depuis son plus jeune âge. Elle tient aussi à sa culture d’origine, celle d’une Corée tiraillée entre consumérisme et tradition, où l’héritage chamanique a encore un ancrage. Dessins, peintures, volumes, installations – Min Jung-Yeon est à l’aise dans toutes les dimensions, de l’infiniment petit au monumental. La projection de son monde a peu de limites…
Min Jung-Yeon est née en 1979 à Gwangju, République de Corée. Elle a grandi dans la campagne sud-coréenne où dès le plus jeune âge elle s’est immergée dans la nature. En 1997, elle part à Séoul pour se former aux arts plastiques à l’Université Hongik. Après ses études, elle éprouve le besoin de se confronter à d’autres modes de pensée ; Min Jung-Yeon quitte la Corée pour intégrer les Beaux-Arts de Paris et l’atelier de Jean-Michel Alberola, dont elle sort diplômée en 2006. Depuis, installée à Toulon, elle poursuit une œuvre empreinte de tensions comme son pays d’origine la Corée contemporaine, toujours coupé en deux, qu’elle réconcilie par son art. En 2019, le Musée national des arts asiatiques – Guimet lui offre une carte blanche. Exposée régulièrement en Asie et en Europe depuis 2004, elle collabore avec la Galerie Maria Lund à Paris depuis 2010 qui lui a consacré une exposition monographique au printemps dernier. On l’a vue à Asian Art Fair la semaine passée et on en est ressorti titillé…
Pour simplifier, beaucoup parlent du surréalisme à l’œuvre dans son travail; mais c’est faire fausse route et réduire sa spiritualité et ses transcriptions à la seule Europe, quand l’imaginaire surréaliste est justement un fond de croyance et de repères magiques venus d’Afrique comme d’Asie pour diffracter la culture classique et la sortir de ses cadres de représentation. Et à ce propos, elle déclare : “Cette pensée s’inspire du taoïsme, qui d’ailleurs à la différence du Confucianisme, pose une égalité totale entre l’homme et la femme. Dans cette philosophie on cherche un élément extérieur, en l’occurence la pierre, pour compléter un intérieur, et donc démolir la séparation entre les deux. C’est ce que j’essaie aussi de faire dans mon travail entre la 2D et la 3D, ou le miroir comme la pierre démolit la séparation entre les deux, les réconcilie. Le but de la réconciliation c’est de trouver l’harmonie à plusieurs niveaux. Dans mon travail j’utilise le contraste, la tension en gardant et acceptant les différences sans les mélanger : le réel et l’irrationnel, le figuratif et non figuratif, dessin au crayon papier et acrylique dilué, 2D et 3D, et dernièrement la fulgurance ou la violence du geste et la douceur. “
Influencée par sa mère calligraphe et son père qui lui faisait choisir des pierres pour abolir la distance entre l’extérieur et l’intérieur, l’artiste pousse ses créations vers la réconciliation ; symboliquement pont entre les deux Corée, mais aussi carrefour/rencontre entre passé ( la précision de dessin d’un Dürer) et le sublimation des formes de Bacon qui disait vouloir démolir la différence entre l’espace et la figure, pour créer le « figural». Je cherche aussi le côté figural dans mon travail affirmait-elle dernièrement. La suite de ses recherches l’emporte aujourd’hui vers la musique et la danse contemporaine. Affaire à suivre. De Près !
Jean-Pierre Simard le 27/10/2020
Min Jung Yeon, représentée par Maria Lund