Lutter contre le couvre-feu avec les res/sorties du week-end

Comme nous venons d’hériter d’un ministre de l’Intérieur des rayons exotiques, nous lui suggérons quelques écoutes dominicales et plus pour lui donner matière à réflexion sur l’agencement de ses rayons via leur érogène, non pardon hétérogène provenance.

Au supermarché Macron, le Roitelet n’est pas qu’un mauvais camembert, son odeur se propage de rayon en rayon, à venir perturber autant le rayon lingerie (une petite faveur ?) que celui des activités de plein air… (non monsieur, durant la manifestation, ce parcours est interdit.) Pourtant, parmi les piétons qui hantent ses rayons, certains ont une provenance trouble.

Avec son approche transverse de la musique, a priori, le celliste anglais Oliver Coates déroute. Où le placer ? Sur quelle étagère son mix expérimental/danse/contemporain anguleux va-t-il bien pouvoir attirer le chaland ? En 2016; Upstepping, a sans doute été moment décisif pour lui, à canaliser drum’n’bass, jungle et le 2-step dans une sorte de musique de club inversée riche et fibreuse, riche de détails complexes lui fournissant des points d'entrée pour peaufiner de nouvelles aventures de texture et de rythme qu'il suit depuis. Et, son nouveau Skins n Slime en affiche les plus audacieuses avancées : les percussions conventionnelles sont largement évitées, quand les faisceaux de cordes traitées et pulsées suggérant plus qu’elles insistent sur la mesure, le disque semble à la fois plus libéré et plus oppressant que tout ce qu'il a fait auparavant. On s’éloigne du registre grand public qui le faisait côtoyer Fourtet ou Floating Points et le retrouve sur des terrains plus proche de la veine contemporaine d’un Arthur Russell. De tout beauté, sombre et glacée comme un hiver écossais, Vous rependrez une tranche de saumon d’élevage, mon petit Gérald ?

En passant au rayon activités de plein air, on entend soudain des voix bizarres qui psalmodient et on entend ; comme autour du feu de camp, Don Cherry enregistré par la RAI avec son Organic Music Society ; un concert de quatuor axé sur des compositions vocales et des improvisations. Ici, la croyance musicale de Don Cherry et de sa communauté émerge dans sa simplicité, avec le désir de fusionner en une seule expérience sonore les connaissances et les stimuli acquis au cours de nombreux voyages à travers le monde. La trompette de poche de Don se fond avec les rythmes du grand percussionniste brésilien Nana Vasconcelos, la guitare italienne de Gian Piero Pramaggiore, et le bourdon tanpura de Moki. Une esthétique hippie pure, comme dans une cérémonie intime, filtre une rencontre magique entre les civilisations orientale et occidentale, offrant différentes suggestions de mysticisme sonore : une acoustique naturelle dans laquelle les instruments et les voix individuels font partie d'une conscience pan-tribale plus large. Faudra-t-il acheter du riz brun ou seulement du curry vert ? On se tâte et on continue à déambuler.

En se dirigeant vers le rayon libraire pour trouver les ouvrages érotiques de Marlene Schiappa, on se fait réponde que c’est passé au pilon depuis longtemps. Alors, on poursuit vers la poissonnerie et le cabillaud. Et oui, c’est vendredi depuis Jules Ferry et on se dit que vite-fait un petit fish & chips, ça devrait le faire ce soir … ne pas oublier la panure, ni Peter Pan et son fameux : “Vous n’êtes qu’un cabillaud Crochet, un vulgaire cabillaud… “ Alors, mes favoris du dredi, comme les deux ressorties Ezz-thetic des concerts à Graz en 1962 du John Coltrane Quartet qui donne la part belle à chacun au fil des titres McCoy Tyner sur Autumn Laeves, Jimmy Garisson sur Mister PC, et Elvin partout. Remarquable pour ses versions de Impressions et My Favorite Things, respectivement, de 21 et 24 minutes. un genre de sommet - loin, de faire oublier qu’il faut aussi à boire … 

On grapille quelques IPA et on file vers les caisses. Ebahi devant le rayon vêtements, on se dit que les costumes présentés à 30 boules ne dépareraient pas le look rétro-futuriste du Conseiller d’éducation Jean Castex. Sa chauverie s’alliant parfaitement aux reflets gris du costume passe-muraille. A croire que la droite triomphante et provinciale des années 60 est passée direct au sévice organisé de l’ère actuelle de Badinguet. Dans la sono du gazin résonne soudain un vieux truc assez entrainant, le Love Missile F111 de Sigue Sigue Sputnik. Bizarre l’effet produit entre punk-rockab et électro comme la dystopie actuelle quoi. On s’amuse, on rigole et on se dit que là quelque part, en germe il y a l’idée de Gorlllaz, 20 ans avant.

Devant la caisse, on checke le panier : cabillaud, panure, IPA, frites de patate douce et des glaces haricot rouge et thé vert. Nous voilà parés ou presque. La caissière ayant terminé son service nous redirige vers les caisses automatisées. mais comme certains râlent de devoir bosser sans avoir de réductions, les vigiles déboulent vite fait ; “Mesdames et Messieurs, veuillez dorénavant vous diriger vers les caisses automatiques sans affolement ni contestation/ Durant la manifestation, ce parcours est interdit car non couvert par les caméras de surveillance…” 

Je le trouve mal foutu ce supermarché dirigé par Roitelet camembert qui pose et qui pose, qui envoie les bons de commande à son Conseiller d’éducation et se voit relayer par tous les sinistres/ chefs de rayon appliqués à toujours envoyer des éléments de discours tellement à côté de la plaque qu’illico relayés sur les réseaux sociaux. Grosse impression clashienne qui dure : I'm all lost in the supermarket, I can no longer shop happily, I came in here for the special offer, Guaranteed personality. And it's not here/ It disappeared… On était venu sur l’assurance de belles remises. On repart, elles ont disparu.

Si vous n’aimez pas qu’on vous dise la longueur de votre ourlet ou la taille de vos maillots de bain, ce que pouvez ou non boire, manger ou fumer, ce que vous pouvez ou non décider en votre âme et conscience concernant morale et religion, et surtout à quelle heure rentrer chez vous ; il y aura quand même des élections d’ici pas tard. Et vous pourrez changer de crémerie. en attendant, on en est encore là devant les caisses :

Je reste à l'écoute, je vois tous les programmes Je garde les coupons des paquets de thé J'ai mon tube géant, l'album de la discothèque Je vide une bouteille, je me sens un peu libre Les enfants dans les couloirs et les tuyaux dans les murs Faire du bruit pour l'entreprise Les appelants effectuent des appels longue distance Et le silence m’isole… 

Jean-Pierre Simard le 23/10/2020

Oliver Coates - Skins’n’Slime - Bear Tree Records

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Don Cherry - Om Shanti Om - Black Sweat Records

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John Coltrane Quartet - Graz 1962/Impressions + My Favorite Things - Ezz-thetics records

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Sigue Sigue Sputnik - Faint It! - Cherry Red Records

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