Royal Trux tisonne ses cendres avec Quantum Entanglement

Après l’immonde album de retrouvailles paru l’an passé, Fat Possum a sélectionné des titres du catalogue du duo électro-choqué qui efface d’une écoute la mauvaise surprise passée. Joyeux - mais aucunement soyeux - retour de flamme après la flemme… Bienvenue dans “Quantum Entanglement”.

Fat Possum a sorti pour le dernier Black Friday une compilation de 14 titres des géants de l'indie-rock Royal Trux. Composé de titre choisis dans l'ensemble du catalogue du groupe, mais " jamais entendues auparavant ou contextualisées comme une offrande singulière " (label dixit) , Quantum Entanglement, est plutôt une excellente nouvelle qui balance un panoramique de carrière, celle de l'archétype du duo power-freak du rock underground des années 1990, une rétrospective qui définit aussi bien le temps passé qu'un groupe qui l’a transposé. Sans inhibition mais avec une vraie ingéniosité, l’ex-couple junkie Neil Hagerty et Jennifer Herrema a créé une vision de la musique à guitare qui pourrait incorporer la noise et le jazz comme paramètres, tout en se pliant aux arcanes du rock. Le duo s'était réuni il y a quatre ans pour une série de concerts, et avait finalement sorti White Stuff, plus tôt en 2019. Devant le désastre, ils ont convoqué Ariel Pink pour sauver certaines chansons avec leur dernier EP Pink Stuff.

Sans égard pour le rock mainstream, l'album a fait son lit dans le rock garage, le funk, le free jazz, le noise et l'electronica pour mieux le fragmenter et éviter de sonner americana, soit la daube actuelle qui enfile poncif après recette usée… Beefheart, The Rolling Stones, Aerosmith et Ornette Coleman étaient déjà les vedettes de leur premier envoi Twin Infinitives - il était résolument moderniste en ce qu'il ne ressemblait à rien d'autre. Dans son approche glorieusement libidinale de l'art de la chanson et son look de junkie glamour, Royal Trux était autant une critique rock qu'un groupe de rock, mais l'expérimentalion chaotique de cet album est devenu la base de toute sa musique. Thank You se rapproche du surf rock des années 1960, Sweet Sixteen réimagine le funk des années 1970 comme un sordide expressionnisme, Accelerator fantasme sur le hair metal des années 1980 comme une libération d'avant-garde, etc. ... Quantum Entanglement joue plus ici comme une collection de grands succès que comme un reséquençage de morceaux plus anciens qui offre un nouvel aperçu de la magie du groupe.

Avec des chansons tirées de presque tous les albums qui ont suivi la sortie de Twin Infinitives, la collection se concentre sur le duo à son plus haut niveau de rock et met parfois l'accent sur les compositions serrées du duo, souvent négligées, et sur la musique rock n' roll vraiment groovy. Mais en sous-estimant le processus et l'esthétique schizoïdes du groupe, un peu de l'attrait double de Royal Trux se perd dans l’exposition.

On oublie souvent la capacité de Royal Trux à composer des rock à la fois étourdissants et confus, tout en séparant suffisamment ses influences pour plaire aux fans de Harry Pussy et de Grand Funk Railroad. Un autre ajout bienvenu est " The Spectre ", tiré de Cats and Dogs de 1993, qui présente avec des paroles harmonisées de Hagerty et Herrema, une ligne de percussion subtilement mystique et une magnifique ligne de guitare de Hagerty qui ressemble à du Keith Richards perdu dans une ville fantôme du Texas. Royal Trux est sous-estimé pour ses paroles. Notez la beauté hantée de ce morceau : "Ma foi est dans le spectre et il y restera / Le spectre est un chirurgien, un guide anatomique," les amoureux de l'époque chantent et vomissent à l'unisson. Une piqure de rappel bien destroy - on adore ! Et eux de se détester de se voir vivants après tant d’épreuves traversées en commun, même mal… Survivors !

Jean-Pierre Simard le 14/01/2020

Royal Trux - Quantum Entanglement - Fat Possum