Le son d'une autre Turquie avec Gaye Su Akyol
Avant le futur Rio passé au détergent de Bolsonaro, Istanbul a été passée au peigne fin des connards proches d’Erdogan, espérant en finir avec la liberté de rêver d’un monde pas aux ordres et respectant ses diversités. Mais cela n’a jamais empêché les artistes de repartir de leurs racines pour voir le futur différemment. Comme ici, avec Gaye Sue Akyol.
Pour le béotien, non voyageur et pas vraiment curieux des sons d’ailleurs, le son turc est comme provenant d’une autre planète, d’un autre continent (que l’Europe a refusé d’intégrer avant la vague islamiste) et donc… suspect. Certains autres, aux oreilles plus pointues, ont sur les lèvres des noms comme Okay Temiz, Erkin Koray ou Selda Bağcan - et ne sont pas trop surpris de l’arrivée dans le paysage sonore de Gaye Sue Akyol.
Vous connaissez notre passion pour Erkin Koray, l’adaptateur du son roots anatolien en krautrock spatial dans les années 70 et avez probablement entendu parler du brillant batteur Okay Temiz qui a joué avec tout ce que le jazz barré compte de zélateurs. Et puis, on a découvert dernièrement le son des Hollandais de Altin Gun comme retour à ces envolées groovy qui propulsent direct sur la piste de danse, mais c’est seulement avec ce troisième album, Istikrarlı Hayal Hakikattir qu’on découvre la beauté de la démarche de la dame.
Comme disent nos amis de Gonzaï : “ seul le détail compte” et là, c’est pléthore qu’on en distingue qui font mouche en affirmant qu’un autre son est possible, dans un pays dont le miteux pacha refait le coup - assez actuel finalement- du en arrière toute, direct vers l’ex-Empire … Contestataire et habitée, la stambouliote continue, dans la lignée de son second essai, Hologram Imparatorlugu, qui avait déjà beaucoup fait parler, à faire bouger les lignes.
Au sein de la Turquie totalitaire d’Erdoğan, un disque immensément courageux, comme le confirme le morceau « Meftunum Sana », extrait de son album Istikrarlı Hayal Hakikattir, disque post-punk, électronique, psychédélique, spatial, empli de saz turcs et de claviers occidentaux. La liberté, une fois encore. Son travail en tant qu’auteure-compositrice-interprète, productrice et directrice artistique mêle le passé historique, le présent hyperconnecté et le futur imprévisible. Tenir un discours de femme libre au pays d’Erdogan, c’est plus que bien vu, cest bienvenu !
La presse d’ici ne tarit pas d’éloges ;
"Bande-son d’un Pulp Fiction stambouliote, avec guitares surf et luth saz psychédélique pour accompagner de voluptueuses mélodies orientales, martelées de beats rageurs."(Telerama)
"Elle parle des eaux profondes de sa géographie, du pouvoir des femmes et du pouvoir des rêves auxquels elle croyait enfant” (France Inter)
Et même l’Obs : A l'Occidental pressé, Gaye Su Akyol n'est pas sans rappeler le personnage de Lana Del Rey. Mais avec une voix combien plus large, plus épique, plus héroïquement femme."
Jean-Pierre Simard
Gaye Su Akyol Istikrarli Hayal Hakikattir (GlitterBeat/ Differ-Ant)