La forge graphique de Malte Martin aux Métallos, suite et fin
Ce mardi 17/09 et toute la semaine dernière on s’est bousculé pour voir de quoi était faite cette Agora ré-inventée par Malte Martin. Il avait investi la Maison depuis 3 semaines et peu à peu, on s’habituait à ses propositions. Sinon on le questionnait, on l’interrogeait et on l’interpellait. Pour le compte. Et lui toujours de répondre, expliquer, encourager et montrer.
Avec l’équipe d’Agrafmobile (son labo graphique) et Lucile Bataille, designer graphique, ils mènent des expériences sur l’Esplanade en face, pour faire lien, en invitant le public à des ateliers de créations graphiques… Fabrication de Porte-Voix, de porte-parole serait plus juste, pour qu’enfin on ré-apprenne à se parler, à partager, à dire, à raconter…
Ces porte-voix de papier, qui forment des cônes sont le juste symbole d’une voix qui devrait être entendue. Lorsqu’il invite les enfants de migrants à participer à cet atelier, les mots viennent se dessiner sur le papier, comme ultime preuve que la voix doit porter plus fort pour être entendue. La parole est présente au présent sur cette Agora. À la mesure d’une proximité. Mais on se dit forcément que, si le modèle pouvait se reproduire sur toutes les places, on s’entendrait pour porter la voix de celles et ceux que l’on entend voire que l’on n’écoute jamais…
Le mardi soir, les conférences #PourParler envisagent aussi un partage autour du design aujourd’hui et son rapport aux fragilités, au soins. Nawa Bakouri, curatrice, théoricienne du design, cofondatrice de la Plateforme Social Design, introduit ses invités en interpellant le public pour dire qu’il est peut-être utile de redéfinir la nécessité d’être inclus dans la société à travers le prisme unique de la performance. Cette injonction d’être performant quelque soit l’âge, clive une partie entière de la société, mise au banc, parce qu’elle ne produit plus, pas assez vite, pas assez longtemps et se retrouve reléguée à une cible qu’on nomme « senior » comme il y a « junior »… Nouvelle injonction d’une société qui refuse son vieillissement, son besoin de ralentissement, cette force différente qui ne serait plus physique et proviendrait d’une pensée plus douce, humaine, à l’écoute de son corps. C’est le cas des objets de Stéphanie Marin qui les fabriquent dans un labo, avec du temps, du recyclage et des idées, pleins d’idées…
La « Schaise » sur laquelle tous les intervenants sont assis, est un objet « soignant » en quelque sorte, ludique et vraiment design, dans le sens où sa fonction est aussi belle que sa forme. Simple, pure, elle permet aux personnes qui ont du mal à rester assis longtemps, ou pour qui la position assise pose problème, de faciliter le repos tout en encourageant la tonicité et l’auto-massage. Cet objet pourrait être anecdotique, sauf qu’il symbolise à mon sens, ce que doit être le design aujourd’hui, considérer autant l’être humain dans sa fragilité que sa force. Considérer la puissance et l’acceptation de son amenuisement, mais jamais de sa disparition, plutôt de sa transformation. Et prendre soin, c’est envelopper tous les possibles et les impossibles de l’être. Une attention aux plaisirs quelque soit notre âge.
C’est à travers le projet de Senior Mobile du chorégraphe Vincent Lacoste et de la designer Sophie Larger que l’on saisit l’importance d’une certaine forme de poésie, de désir, de plaisir et de leurs acceptations, de leur respects, avec une chaise permettant l’appréhension de l’espace et d’une mobilité dansé.
Quand le design permet de créer des « bals » en EPHADon saisit là, toute l’importance de cet art appliqué qui pense le monde au cœur de son humanité. Ce design aux antipodes de la performance, est doux, lent, bienveillant, accueillant, respectueux… presqu’un rêve.
De rêve, il est question avec Marie-Ange Guilleminot, plasticienne et performeuse, autour de son projet de « cabane », un abri au cœur d’une salle d’attente du Centre Médico-Psycologique de Gaillac. Entre le meuble « escargot » et cette cabane, des espaces de jeu dessiné pour abriter les enfants durant l’attente dans un espace qui n’est plus anxiogène. Ce lent travail, de patience, d’attention, privilégie le temps et l’espace comme une redistribution essentielle pour les besoins de l’enfant en attente de soin.
Là encore, la plasticienne sollicite un imaginaire qui dans l’attention à l’autre, fait surgir un espace, des espaces de temps arraché au temps.
Il y aura demain (25/09/19) , un dernier #PourParler, Fais-moi signe : création et transmission des savoirs, comment donner place aux imaginaires citoyens et artistiques ? A ne pas manquer donc…
La semaine s’est poursuivie, au rythme des ateliers sur l’esplanade et d’un samedi où les performances se sont succédées à partir de 19 h 30 jusqu’à 23 heures. D’une improvisation de BRUIT BLANC paysage graphique dans le paysage modulaire, évolutif dans la salle claire, en passant par Eau Forte de Patricia Dallio et Mathieu Sanchez, spectacle live, sonore et visuel et Nuagemot, performance participative, où les mots du publics se transforment secrètement en graphisme en temps réel projeté sur le mur de la Maison des Métallos… La soirée fut intense.
Il planait dans l’air, un sentiment de fête estivale, de festival dans le sens le plus noble du terme. Une douceur et une richesse de proposition qui emmènent le public d’un événement à l’autre sans heurt, dans une temporalité douce et rêveuse.
La nocturne de clôture ce vendredi 27 octobre promet un voyage en apothéose. Le Paysage Modulaire aura terminé de pousser et permettra la déambulation onirique. Entre temps le mercredi 25 septembre, Tempest Concert-performance audiovisuelle en sons et en pixels du duo Franck Vigroux et Antoine Schmitt nous auront mis en condition pour une fin de semaine surprenante.
Richard Maniere le 23/09/19
La forge graphique de Malte Martin aux Métallos, suite et fin