Anima : de l'âme et quelques questions subsidiaires par Thom Yorke. Génial!
A réitérer l’exploit de OK Computer en solo, Thom Yorke étonne et ravit. Lui qui avait déclaré en 1996, qu’après Aphex Twin, il était impossible de faire de la musique comme avant, aura pris son temps pour sauter le pas du tout électronique sur ce génial Anima. Ce troisième album solo est un enchantement glauque, un moment en suspension et un déversement de trop plein des actuelles saturations du vivant.
Anima est disponible sur toutes les plateformes digitales. Produit par Nigel Godrich, il comprend neuf titres (dix en version vinyle), et sortira aux formats CD et LP le 19 juillet (double LP standard, édition limitée orange et édition deluxe orange de 180g comprenant un livre de 40 pages avec paroles et dessins au pinceau signés Stanley Donwood et Dr Tchock). Il est accompagné d’un court-métrage du même nom, réalisé par Paul Thomas Anderson et visible sur Netflix.
Si à l’époque de la jungle, circa 94/96, Radiohead était le seul groupe rock audible par ses incessantes remises en question sonores et musicales, il aura quand même fallu tout ce temps au chanteur pour se trouver un son unique et au diapason de la scène électro anglaise de James Holden à Four Tet, en passant par Floating Points et Actress. Et c’est un disque qui colle à son propos, comme les bonbons au papier, en ces temps caniculaires; une visite des champs de décombres du monde actuel, un exercice d’ultra-moderne solitude dans une cage de Faraday électro. Chaque titre affiche son climat, le développe et le laisse filer, en l’enchaînant au suivant par un savant fondu qui va proposer autre chose. Au milieu et au dessus flotte impériale la voix de Yorke qui propose un angle de vue différent pour chaque paysage pris en compte.
Si le film, réalisé à l’occasion, par Paul Thomas Anderson séquence en une suite continue trois titres : Not the News, Traffic et Dawn Chorus, à la simple écoute d’Anima, on pense plutôt au Wong Kar Wai des Anges déchus avec son tueur à gages, ses filles esseulées et son muet hyperactif, quasi tous en voix off et qui se démènent pour exister dans la nuit du Hong-Kong d’avant la restitution à la Chine. Un monde souterrain, en écho ou juste superposé à celui décrit sur cet album de leds et de néons grisâtres. Et Yorke, en impeccable maître de cérémonie y règne en maître absolu du laisser-aller, du laisser vivre - mais en conscience et qui va s’apaisant de le simplement formuler comme tel. Un album séduisant autant de maîtrise que d’abandon. Coup de maître, coup de cœur - et bienvenue dans la fanfare des cœurs solitaires (du Sergent Poivre ?) Contemporain - mais jamais comptant pour rien. Sismique … I Thought We had a Deal (The Axe)
Jean-Pierre Simard le 1/07/19
Thom Yorke - Anima - XL Recordings