Organiser une grande nuit contre la répression des corps dansants
Je pense aux 14 de Nantes, jetés dans le fleuve par la police pour avoir dansé. Et j'imagine une lettre.
J'imagine une lettre aux directeurs et directrices des Centres Chorégraphiques Nationaux. J'imagine une lettre adressée à tous les chorégraphes. J'imagine leur dire que des gens ont été jetés à l'eau, dans un fleuve, parce qu'ils dansaient sans autorisation. Que cela a eu lieu à Nantes. Le 21 juin, fête de la musique. Qu'il ont été jetés à l'eau par la police et sauvés in extremis par les pompiers. J'imagine leur dire qu'une personne est portée disparue depuis. J'imagine leur demander d'ouvrir d'urgence leurs lieux, pour accueillir tous ceux qui voudront danser, librement, sans répression et contre la répression. J'imagine leur demander de le faire ensemble, une même nuit, sur tout le territoire, à l'unisson. De faire cela pour protester contre une police et un pouvoir qui la protège. Contre une police qui jette dans un fleuve des gens qui dansent. J'imagine demander à tous les chorégraphes de se rapprocher des centres chorégraphiques, et de les aider à organiser cette grande nuit contre la répression des corps dansants. J'imagine une lettre à tous les musiciens, pour leur demander de jouer toute une nuit pour que la danse soit toujours possible.
J'imagine cela, parce que j'imagine que les Centres Chorégraphiques nationaux, que les chorégraphes, que les musiciens, ne peuvent pas ne pas être directement concernés par ce qui s'est passé au petit matin de la nuit du 21 juin à Nantes.
J'imagine cela parce que j'imagine que le droit de danser est pour les centres chorégraphiques nationaux, les chorégraphes et les musiciens, une liberté fondamentale. Et qu'une police jetant dans un fleuve des corps qui dansent au nom d'une absence préalable d'autorisation à danser délivrée par une préfecture et que cette préfecture appelle cela - jeter des corps dans un fleuve - une réponse proportionnelle - est une violence redoublée. Est une violence doublée d'un mépris. Est une violence sans limite.
Et c'est ainsi que j'imagine écrire cette lettre aux centres chorégraphiques nationaux, aux chorégraphes et aux musiciens, afin qu'ils se coordonnent le plus vite possible afin que cette police soit sérieusement remise à sa place et qu'il soit de nouveau possible de danser, sans risquer de se faire jeter dans un fleuve.
Emmanuel Moreira, le 25 juin 2019