Fix Me, un duo créatif danse/techno avec Alban Richard et Arnaud Rebotini

Au carrefour du mouvement musical et chorégraphique s’est tissé une entente entre Alban Richard et Arnaud Rebotini : Fix Me. Du premier, le spectacle tourne ; du second, l’album éponyme vient de sortir.

Synthétiseurs analogiques Roland, boîtes à rythmes, et, au milieu du set techno, la présence de la musique électro d’Arnaud Rebotini : il n’en fallait pas plus pour le chorégraphe Alban Richard pour « faire du corps une puissance ». Mais Fix Me ne s’arrête pas à la session de concert, conçue comme une véritable symphonie en quatre mouvements à tempi différents. La pièce engage aussi les danseurs dans une harangue corporelle. Se glissant dans la peau de prêcheuses américaines, ils soutiennent un débit, un flow, une tonicité propres aux oratrices, pour mieux mettre en jeu le corps dans sa capacité à exalter, exhorter, agir… Fix Me est une chorégraphie qui tente de faire du corps de ses interprètes une puissance qui ne se réduit pas à leurs organismes. 

Sur scène, sans que cela ne soit jamais perceptible par les spectateurs, chaque interprète reçoit un discours qu’il traduit de ses mouvements et n’entend pas la musique. Cette autonomie de la danse par rapport à la musique est d’ailleurs l’un des autres enjeux de la pièce. Un moyen de rompre l’autorité de l’une par rapport à l’autre. Pour répondre à l’électro riche, complexe, puissante d’Arnaud Rebotini, le geste doit mobiliser toutes ses armes. Usant de la lumière, d’arrières et premiers plans, de constructions d’estrades sommaires montées et démontées comme le faisaient les prêcheurs et militants noirs américains avec leurs « soapboxes » au début du XXème siècle, le chorégraphe guide notre œil de l’un à l’autre des interprètes, de la danse au concert, avec maîtrise et habileté.

Il l’enjôle en créant l’image monumentale et séduisante d’une Liberté guidant le peuple, drapeau noir brandi dans l’air enfumé, pour mieux le saturer plus tard d’une multitude de gestes trop intenses. Fix me signifie « regarde-moi » ou « répare-moi », mais fait aussi allusion au shoot d’un drogué. Le corps harangue-t-il ? Sur la symphonie techno jouée en live par Arnaud Rebotini, Alban Richard conçoit une chorégraphie qui puise sa puissance dans la ferveur. Corps éloquents, sermons et slogans, ce montage chorégraphique, musical et plastique, est exaltant

Et la musique de faire lien entre la demande du chorégraphe et ce qui se passe sur scène, relayant, ordonnant, donnant le tempo et le frisson. sans parole ou bien chantée, elle vous glisse le feeling du moment scénique et alterne récitatif et envolées pour ne faire sentir la puissance, de la réminiscence biblique du premier titre à l’apogée du dernier. Ce mouvement abandonné qui mixe en tournoyant chorégraphie et abandon du simple auditeur de la musique. Attention, musique vivante !

Jean-Pierre Simard le 31/05/19

Arnaud Rebotini - Fix Me - Blackstrobe Records