Débarquement en (musique de) chambre pour le “Arrival” de Fire! Orchestra
Souvent surprenant, mais toujours convaincant, le Fire! Orchestra avec son quatrième opus continue à faire bouger les lignes musicales, en se servant du zen comme premier moteur de sa musique. On se souviendra de Carla Bley pour la proximité d’écriture, mais ça joue ailleurs. Arrival, nous voilà !
Avec un big band de 14 membres, le Fire! Orchestra est toujours axé autour du trio central d’origine avec à la direction musicale et au saxophone, Mats Gustafsson, à la basse Johan Berthling et à la batterie Andreas Werliin. A ceux-là s’ajoutent un quartet à cordes et des invités en nombre. Et, à bousculer les registres, le big band propose un genre d’aventure qui souffle autant du côté de l’Ecosse, que du free et qui s’autorise aussi bien des poussées hip hop que des aventures en chambre. On y croise deux reprises très significatives : le Blue Crystal Fire de Robbie Basho, revu et corrigé ( on y revient) et le At Last I Am Free de Chic, en version qui louche vers celle de Robert Wyatt.
L’album est structuré de manière radicalement différente par rapport aux trois précédents. Aux longues pièces formant un continuum se sont substitués des morceaux ayant une identité propre. Prenez Blue Crystal Fire qui dévoile une facette complètement inattendue du big band et pourra effectivement exister individuellement ; la relecture mixant l’original à la guitare avec un jeu incessant de saxo qui coule sur des nappes de guitares, tout cela porté par des voix angéliques.
Délibérément lesté d’une dizaine de musiciens, comme des guitares électriques et synthés au passage, l’orchestre a donc épuré son spectre musical tout en gardant sa force de percussion. Que ce soit par la basse ensorcelante de l’introduction, devenue une signature, et ce son de synthé en lévitation après les 5 premières minutes de Dressed in Smoke. Blown Away, ou par les passages groovy-free de Silver Trees guidés par les halètements et murmures des chanteuses se confondant avec les hurlements de sax et les cordes syncopées, Arrival démontre comment articuler en une osmose musicale toute puissante de 14 musiciens qui s’écoutent, dialoguent et nous font partager leur entente avec un bonheur certain - et renouvelé. Pour les grincheux rétifs au free, on dira que seuls quelques passages pourront les hérisser, quand le reste du propos joue la vraie découverte musicale. Il faut quelquefois accepter la dissonance pour savourer le reste… A ceci parvenu, un monde s’ouvre à vous qui va élargissant ses registres- et pas seulement musicaux. On parlait de zen, plus haut. Vous êtes en plein dedans, à bien entendre comment s’articulent les intervenants entre l’omniprésent trio de base et les exposés des autres qui tournoient et décollent. Carrément très bien.
Jean-Pierre Simard le 28/05/19
Fire! Orchestra/ Arrival / Rune Grammofon