“C'est noir dedans”, une douce conflagration poétique de Thomas Vinau
Noir dedans, noir dehors, et une douce conflagration poétique pour produire une vie.
C’est noir dedans
depuis tout petit
depuis toujours
et pour tout le temps
c’est noir dedans.
Sous le solide papier (Olin 90 g) et sous la couverture étonnamment tactile (Curious Matter Black Truffle 270 g) du troisième texte publié par les éditions sun/sun dans leur collection dédiée au format court, après « Il paraît que nous sommes en guerre » de Pierre Terzian et « Et seuls les chiens répondent à ta voix » de Tarik Noui, c’est un brûlant poème – en deux moments – de Thomas Vinau que l’on peut désormais découvrir, en mai 2019.
C’est noir dedans
C’est vide et ça souffle
il n’y a rien
comme l’espace à l’extérieur
entre les gens
On regarde
on scrute
on examine le noir
et ça reste noir.
Noir et vide dedans.
Publié il y a quelques années, en tirage très limité, par la petite maison avignonnaise Cousu-Main, « Le noir dedans », en 18 pages d’une extrême intensité, organise une conflagration salutaire entre une intériorité rêveuse pouvant s’étendre jusqu’au cauchemar, face au constat d’un vide intime et cruel potentiellement irrémédiable (et l’on songera peut-être à « La part des nuages »du même auteur) et une extériorité inexorablement dangereuse mais néanmoins absolument, justement, indispensable (et un détour du côté du « Camp des autres », toujours du même auteur, ne serait ainsi pas superflu). De cette confrontation inexorable naît une étrange lumière, entre gris, noir qui voudrait toujours l’emporter et blanc qui se refuse, celle d’une acceptation de l’autre et de son humanité, par acceptation de soi. Et c’est ainsi que la poésie porte son fer, acéré s’il en est, là où cela fait salutairement mal, et nous force à tenir la face dans le vent.
Notre peau est fine.
Mordue par le noir du dedans.
Attaquée par le noir du dehors.
Mais impossible d’en venir à bout.
On voudrait percer sa peau
ou percer ses yeux.
Ouvrir le noir du dedans
et faire entrer l’autre.
La lumière de l’autre.
La chaleur de l’autre.
Se remplir avec.
Remplir son noir dedans
de la lumière de l’autre
pour être plus fort.
Pour lutter contre le noir dehors.
Mais c’est impossible.
Le noir dedans ne se partage pas.
Et le noir dehors
est toujours là.
Même serré contre l’autre.
Thomas Vinau - Le Noir Dedans - éditions sun/sun,
Charybde 2 le 29/09/19
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